n°101 (janvier-février 2008)

Multiplication ou multiplicité des cyclistes ?

Cet automne, les grèves des transports en commun — au-delà de la démonstration éclatante que la voiture particulière (en covoiturage ou non) n’est pas une solution pérenne pour les déplacements domicile-travail en région parisienne — ont tait ressortir les vélos des caves. Nous espérions tous à MDB que, à l’instar de ce qui s’était passé au siècle dernier, ces circonstances exceptionnelles seraient l’occasion de convertir de nouveaux cyclistes, d’autant que la météo était avec nous et que Vélib’ avait préparé les esprits à la réelle possibilité de se déplacer à vélo en ville. De tait, ça a été l’occasion de voir des nuées de cyclistes englués dans des bouchons… cyclistes.

Ça a été aussi l’occasion de réentendre le couplet qu’on nous avait déjà servi à l’occasion du lancement de Vélib’ sur les prétendus débutants, vous savez, ces cyclistes qui ne savent pas faire du vélo.

Mais ça veut dire quoi, savoir faire du vélo ?

Si c’est arriver à s’affranchir du déséquilibre statique pour atteindre l’équilibre dynamique, c’est-à-dire faire du vélo sans les petites roues, je crois n’avoir vu ces dernières semaines que des cyclistes sachant faire du vélo. Ceux qui ne savent pas du tout en faire en sont conscients ils cherchent des vélo-écoles (dont celle récente de nos amis du Val-de-Marne) mais ne se lancent pas dans les rues sans avoir appris ils n’iraient d’ailleurs pas bien loin.

Alors, c’est quoi, savoir faire du vélo en ville? Qu’est-ce qu’un bon cycliste? Chacun a sa réponse là-dessus. La plus commune étant sans doute qu’il n’y a pas meilleur cycliste que soi. C’est une idée très ancrée chez tous les conducteurs, qu’ils soient cyclistes ou automobilistes, puisque c’est bien connu c’est toujours l’autre qui conduit mal. Bon d’accord, mais… je suis l’autre de qui ?

 De la voiture que j’oblige à ralentir dans une rue étroite et qui ainsi ne peut pas arriver première au feu rouge ?

 Du scooter que j’empêche de doubler la file de voitures à l’arrêt et qui ne parviendra à s’arrêter sur le passage piéton que 10 secondes plus tard ?

 Du piéton qui, habitué depuis trop longtemps que dure l’hégémonie de la voiture à traverser « au bruit », s’étonne de me voir surgir dans une rue à contresens ? (à ce sujet, vous trouverez dans ce numéro une intéressante étude sur la cohabitation piétons-cyclistes).

 Du cycliste qui arrive vite derrière moi sur une piste cyclable mais qui ne peut attendre les 30 mètres qui nous séparent du carrefour pour essayer de me doubler?

Eh oui, ce n’est pas facile de ne pas se considérer prioritaire, de ne pas penser que son déplacement est plus important que celui des autres.

Les décideurs, eux, surtout ceux qui ne font qui ne font pas de vélo, ont une réponse réglementaire à la question et sont persuadés qu’un bon cycliste est un cycliste qui respecte le code de la route. Point. Sans chercher à aller plus loin que cette équation simpliste, sans se pencher sur l’accidentologie et ses réelles causes, sans réfléchir aux enjeux de la ville du XXIe siècle. Sans réfléchir, tout simplement. Parce qu’il est toujours plus simple de se raccrocher à une idée reçue que de trouver de vraies solutions, Vélib’ a été l’occasion pour la Ville de stigmatiser les cyclistes qui ne respectent pas les feux rouges et pour la préfecture de police de communiquer sur l’augmentation des accidents cyclistes, sans bien sûr faire référence à l’augmentation de la pratique qu’elle se garde bien de mesurer avec des outils adéquats.

Mais en ne communiquant que sur cet aspect étriqué de la problématique des déplacements urbains, on oublie tout ce qui pourrait favoriser la pratique cycliste et qui déborde largement le cadre de ce code de la route inadapté.

Parce que le vélo, c’est bon pour la santé, c’est bon pour l’environnement (pas d’émission de gaz à effet de serre, pas de bruit), c’est bon pour les finances publiques (aménagements moins chers et économes en espace, économies de dépenses de santé) et les finances personnelles (l’achat et l’entretien d’un vélo est sans commune mesure avec l’achat ou l’entretien d’une voiture ou d’un scooter), il est grand temps de mettre en avant ce slogan : « Pédalez plus pour gagner plus ! »

Kiki Lambert

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