n°128 (juillet-août 2012)

Jeu de pistes

La mise en place de bandes ou de pistes cyclables est souvent longue et laborieuse. Il faut en négocier pied à pied d’abord l’utilité puis le coût de réalisation, la largeur, le positionnement… et, une fois l’aménagement créé, il faudra le maintenir en état. On constate rapidement que c’est encore une autre paire de manches.

Pour commencer, il faut lui conserver sa fonction. Une ville de la côte méditerranéenne
a défrayé la chronique à l’automne dernier en ayant pris un arrêté municipal pour transformer la piste cyclable toute neuve en parking pour le cimetière lors de la Toussaint. Le motif aurait été tolérable pour un jour ou deux… pas pour un mois comme c’était le cas.

En Île-de-France nous avons aussi des pistes à temps partiel, occupées par le stationnement des marchés 2 ou 3 jours par semaine sans proposer de trajet alternatif.

Ensuite il faut l’entretenir. Le balayage est difficile dans les pistes « en creux », enserrées entre le trottoir et un séparateur. Il n’est pas une priorité en général et encore moins quand on parle de déneigement ou d’élagage. J’ai vu dans ces deux cas des pistes cyclables servir de lieu de stockage pendant quelques jours.
Enfin surviennent au fil du temps divers chantiers, et parfois des interventions éventrent temporairement une piste cyclable. Il faut bien faire les travaux. Mais à la fin du chantier, il arrive que la piste cyclable reste un certain temps en terre battue ou le marquage absent : on l’a oubliée.

Pendant la durée des travaux, une signalisation peut indiquer la fermeture de la voie mais quasiment jamais rien n’explique par où doivent alors passer les vélos. La piste est fermée, c’est tout ! Il est des exemples grotesques de pistes longeant des voies interdites aux vélos où les cyclistes n’ont d’autre possibilité que de faire demi-tour parce qu’une baraque de chantier occupe tout l’espace. L’itinéraire disparaît tout simplement.

Pourtant, lorsqu’une emprise de chantier empiète de trop sur le trottoir, un autre cheminement piéton est mis en place. Lorsqu’on éventre une rue et que les voitures ne peuvent plus passer par là, on leur jalonne une déviation. Pour l’un comme pour l’autre, la circulation est déviée mais jamais supprimée. Le cas des vélos, lui, n’est paraît-il pas prévu dans les documents d’organisation des chantiers ni dans les arrêtés type. Personne n’a pensé à ajouter une case « cycles ».

Les usagers de la bicyclette peuvent se sentir frustrés de ce mépris, mais ce n’est pas trop grave. Il en va autrement quand le cycliste est incité à rouler sur un trottoir et encore plus quand le cycliste est mis en danger. C’est typiquement le cas de toutes les barrières ou palissades qui interrompent une voie cyclable et rejettent les vélos dans la circulation générale sans en prévenir tous les usagers. On peut raisonnablement penser que l’automobiliste préfèrerait être averti en amont, plutôt que de voir un vélo qui roulait sur la bande cyclable faire un soudain écart devant lui ou un vélo qui roulait à part sur une piste cyclable s’insérer brutalement sous son nez. Pourtant, un marquage au sol (du beau jaune réglementaire pour les marques provisoires) pourrait resserrer les fi les de la circulation générale, ralentie pour la circonstance, afin de matérialiser le détour cyclable.

Les itinéraires sécurisés de type piste cyclable ont la préférence des cyclistes les plus vulnérables. Ils sont souvent une première étape pour les débutants. Les coupures aléatoires de ces itinéraires sont alors très dissuasives pour ces usagers fragiles qui se sentent piégés, renvoyés au cœur de la jungle automobile. Quant aux doubles sens cyclables, ce n’est sûrement pas eux qui doivent faire les frais des rétrécissements de voirie, vu la faible largeur qui est nécessaire aux vélos et la souplesse d’adaptation de ceux-ci aux éventuels goulots d’étranglements.

Donc, qu’on se le dise. Lors de travaux de voirie ou quand l’emprise d’un chantier privé empiète sur l’espace public, nous demandons instamment que l’on maintienne systématiquement la continuité de la circulation des vélos en mettant en place la signalisation appropriée. Le cycliste n’est pas une variable d’ajustement.

Une remarque pour conclure. Les propos précédents s’appuient tous sur des exemples vécus, volontairement laissés anonymes pour ne pas donner l’impression de stigmatiser une commune plus qu’une autre, car en la matière tous les responsables de voirie ont des efforts à faire.

Thierry Delvaux

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