n°129 (septembre-octobre 2012)

Faut-il interdire d’équiper les voitures de klaxons ?

La question peut paraître surprenante car les avertisseurs sonores sont évidemment un organe de sécurité routière ou tout du moins c’est ce que pensaient nos ancêtres quand ils ont vu apparaître des bolides motorisés sur nos routes paisibles. Mais regardons de plus près ce qu’il en est de nos jours.

Le code de la route nous apprend que l’usage de l’avertisseur sonore est interdit en ville sauf danger immédiat[[Article R416-1 du Code de la route]]. Donc, après avoir circulé quelques minutes en milieu urbain, force est de constater que la ville est un univers extrêmement dangereux. Car seules trois possibilités, toutes aussi inquiétantes les unes que les autres, peuvent expliquer le niveau sonore ambiant : 1. La plupart des automobilistes ont oublié leur code de la route ; 2. ils n’ont tout simplement pas passé leur permis (il paraît que ce n’est pas si rare) ; 3. Ils sont confrontés à un nombre de dangers immédiats impressionnants.

Pour cerner le sujet, examinons de plus près les circonstances génératrices de coups de klaxon à travers quelques exemples. Avec un peu d’expérience, on interprète parfaitement les nuances de longueur et de rythme de cet appel monosyllabique : « tu tut », « tuut tuut », « tuuut », « tuuuuuuuuuut », etc. Nous constatons :

 Le coucou amical pour saluer un copain que l’on croise. Le klaxon peut signifi er par exemple : « Eh machin, salut c’est moi. Toujours à vélo ? » ;

 L’appel du mâle à la femelle (ou le contraire) restée dans l’appartement : « Dépêche-toi, je t’attends » (le téléphone portable n’a pas aboli cette pratique sans gêne) ;

 La réaction de peur face à un événement surprenant : « Mais fais attention où tu roules ! Tu vois pas que je téléphone ? » ;

 Les conséquences de l’oubli que la plupart des voitures sont équipées d’une pédale de frein : « Les vélos, poussez-vous ! Je passe. » ;

 L’impatience : « Avance, tu as encore trois mètres jusqu’au feu rouge. » ;

 Le défoulement salvateur : « Eh m. ! Ça fait déjà 10 minutes que je n’ai pas avancé dans ce bouchon. Et encore un vélo qui passe ! » ;

 Le hurlement de colère : « Mais c’est pas possible, tu te crois tout permis ! Et d’abord c’est quoi un double sens cyclable ? ».

Dans l’ensemble, et mis à part les moments festifs tels que les mariages ou les soirs de match, l’usage du klaxon remplace ou accompagne les jurons que l’on ne peut pas crier assez fort, ou bien relève de l’intimidation – à l’instar du haka au rugby – voire du cri de guerre quand on monte à l’assaut .

Et que se passerait-il si les voitures n’avaient tout simplement pas de klaxon ? Imaginez. Vous vous mettez au volant et avancez dans un tel véhicule. Impossible de prévenir les autres usagers de notre arrivée ni de réclamer le passage. Situation angoissante. Que faire quand un piéton va traverser la rue ? Quand un vélo va venir de la droite ? Quand la voiture de devant va faire mine de s’arrêter au feu orange ? Pas d’autre choix que de ralentir et de faire très attention. Pas d’autre solution que
de respecter les priorités. Pas moyen de faire autrement que de freiner, voire marquer l’arrêt face au danger.

Le cauchemar pour les chauffards. Le rêve pour tous les autres citadins. Serait-ce la ville apaisée ? Nos législateurs devraient sérieusement se poser la question suivante : nos rues voire nos routes ne seraient-elles pas plus sûres si l’on interdisait purement et simplement les klaxons ? Car il est certain qu’elles seraient plus agréables à vivre, y compris pour les riverains.

Du point de vue cycliste pas d’hésitation. La ville apaisée est gage de sécurité aux carrefours et de toute manière aucun coup de klaxon n’empêchera les portières de s’ouvrir imprudemment devant les vélos ni les poids lourds de se déporter d’un côté avant de tourner de l’autre.

Thierry Delvaux

Cela pourrait également
vous intéresser !

Cela pourrait également
vous intéresser !

Cela pourrait également
vous intéresser !