Randonnée d’été : de Troyes au lac de Constance

Récit d’une balade de trois semaines paru dans Roue Libre n° 90 (mars-avril 2006).

De nombreuses balades de MDB nous permettent de découvrir les véloroutes et voies vertes en France et dans toute l’Europe.

Si le réseau de 8 000 km de véloroutes annoncé au cours du Comité interministériel d’aménagement du territoire du 15 décembre 1998 est une perspective encore lointaine, les aménagements existants permettent aux familles et aux touristes tranquilles des randonnées itinérantes de plusieurs jours en partie sur voies vertes, comprenant des liaisons plus ou moins étendues sur routes calmes. Les plus connus sont situés dans l’Ouest et le Sud-Ouest, côte atlantique, Bretagne (canaux), Basse-Normandie, Mayenne et dans le Val de Loire, une des destinations favorites du cyclotourisme européen. Le parcours de la Loire à vélo de Tours à Saumur est décrit dans Roue Libre n° 87.

Malheureusement, ces régions sont difficiles d’accès en formule train-vélo au départ de Paris.

L’Est de la France offre également des possibilités de randonnées agréables grâce aux aménagements récemment réalisés en Champagne-Ardennes et en Franche-Comté avec une bonne desserte SNCF : les trains Corail comprennent un compartiment vélos (sauf mauvaises surprises). La situation évoluera en 2007 avec le TGV-Est, mais cette partie de la France devrait rester accessible.

Pour notre randonnée de juillet 2005, la ligne Paris-Bâle et l’excellent réseau suisse nous ont procuré des accès commodes allers et retours y compris pour des parcours partiels.

Cette randonnée nous a fait découvrir des régions méconnues avant d’atteindre l’Alsace et la route du Rhin de la Suisse à vélo, destinations touristiques plus réputées.

Notre voyage débute par la visite du centre de Troyes, « le bouchon de Champagne » embelli par la restauration des maisons à colombages. Nous gagnons ensuite la vélovoie des Lacs, récente piste cyclable de 50 km bien revêtue qui relie la périphérie de l’agglomération aux lacs de la forêt d’Orient, vastes plans d’eau créés pour régulariser le débit de la Seine.

L’étape du lendemain commence sur routes secondaires dans le Pays du Der avec visite de plusieurs églises à pans de bois, se poursuit sur le circuit cyclable du lac du Der-Chantecoq, autre lac destiné à préserver la capitale des crues. Après une halte à la Maison de l’Oiseau et du Poisson et la visite du musée du Pays de Der (reconstitution d’un village englouti), nous quittons la piste cyclable en cheminant le long d’un canal de déversement du lac puis sur le tracé d’une ancienne voie ferrée. Nous gagnons enfin notre gîte par des routes tranquilles.

Le troisième jour, après une vingtaine de kilomètres de petites routes, nous rejoignons le canal entre Champagne et Bourgogne, anciennement canal de la Marne à la Saône, dont le chemin de halage est depuis peu officiellement cyclable sans interruption de Joinville à Langres (90 km). Ouvert en 1907, c’est le dernier du programme Freycinet de rénovation du réseau navigable. Le déclin des industries métallurgiques dans les régions desservies a entraîné celui du trafic commercial. Nous croisons quelques péniches mais les plaisanciers sont majoritaires. Sinuant dans la haute vallée de la Marne, le canal mérite son nom de « canal enchanteur » des documents touristiques. Chaumont et Langres dominent la vallée d’une centaine de mètres. Mais le parcours semble mal valorisé et nous croisons peu de cyclistes.

Le centre historique de Chaumont, d’un certain intérêt, est d’une surface limitée. Plus impressionnante, la ville de Langres, ensemble d’hôtels et de maisons de la Renaissance du XVIIIème siècle enserré dans une enceinte fortifiée préservée, « une des 50 plus belles villes de France », mérite une étape. Le lendemain, une descente vertigineuse en sortant des remparts nous conduit à une piste cyclable sur ancienne voie ferrée (coup d’œil sur les ruines de la gare de Langres-Bonnelles). Les 4 premiers kilomètres sont asphaltés, au-delà la surface est médiocre. Nous retrouvons ensuite le canal de la Marne à la Saône. Nous alternons chemin de halage et routes parallèles.

Après un adieu au canal, nous poursuivons sur routes très calmes sauf 2 km à fort trafic inévitables à l’approche de Gray. Avec un hôtel de ville Renaissance et des maisons anciennes, la ville a un certain charme mais les avis sont partagés. De Gray à Port-sur-Saône, un itinéraire cyclable de 63 km balisé « rives de Saône» comprend 40 km de chemin de halage au revêtement inégal, en majorité goudronné mais avec des passages herbeux, sablés ou pavés et une vingtaine de kilomètres de liaisons sur routes secondaires. C’est un agréable parcours dans une large vallée parsemée de villages aux tuiles vernissées.

La Saône canalisée au gabarit Freycinet fait également partie d’un grand itinéraire nord-sud de plaisance, le trafic commercial étant maintenant marginal. Ce tronçon de 63 km est un élément de la future véloroute Charles-le-Téméraire qui reliera la Bourgogne à la Lorraine et aux Pays- Bas en longeant la Saône, le canal des Vosges et la Moselle.

Après un court passage sur la N 19 à Port-sur-Saône (plaignons les riverains), de petites routes nous conduisent à la base de loisirs de Vaivre près de la préfecture de la Haute-Saône. Nous avons vu Vesoul. La journée y est vite passée : vélorail, musée, ascension à la chapelle de la Motte, farniente, recherche de vélocistes.

L’étape Vesoul-Belfort, la plus accidentée avant la Suisse, est l’une des plus belles et intéressantes. La journée commence en douceur par 15 km de chemin vert, piste bien revêtue de 23 km sur l’ancienne ligne Vesoul-Besançon. Quittant la voie verte, nous visitons deux châteaux d’époques médiévale et Renaissance en cours de restauration à Vallerois-le-Bois et Oricourt. Les efforts de l’après-midi sont récompensés par la beauté des paysages entre Jura et Vosges. Nous arrivons à Belfort par la coulée verte du canal de la Haute-Saône. Les travaux du canal ont été abandonnés vers 1930 à l’est de Belfort mais il est ouvert à la plaisance en aval et longé par une voie de randonnée jusqu’à Montbéliard. Pour gagner l’auberge de jeunesse, nous traversons les espaces verts entre le canal et la zone urbanisée.

L’étape suivante, courte et facile, nous laisse la matinée pour visiter Belfort. Puis nous gagnons l’Alsace par chemins et routes secondaires. Le début de la piste cyclable goudronnée du canal du Rhône au Rhin est marqué par une échelle d’écluses offrant une vue étendue sur la plaine d’Alsace.

Mulhouse, ville des musées, mérite bien deux journées Cité du train récemment rénovée, musées de l’électricité, de l’automobile (collection Schlumpf), de l’industrie textile, historique, etc. C’est également une base de départ pour l’Écomusée d’Alsace. Le parcours de 20 km se termine par une piste cyclable dans la vallée de la Thuir, mais l’ensemble est désagréable. Pour ne pas renouveler l’expérience, nous préférons un retour en train (bonne desserte TER).

Dominique ROSENFELD, président du CADR Mulhouse, membre de la FUBicy, vient nous accueillir le lendemain à la gare avec Martine, Sylvie et Juliette qui nous rejoignent en cyclo-camping pour la dernière semaine. Dominique nous fait visiter Mulhouse et ses environs entre les averses.

Le parcours du centre à la piste cyclable du canal à grand gabarit n’est ni balisé, ni aménagé. Cette piste est large et bien revêtue mais l’environnement plutôt terne au départ. Jean-Paul Lepetit, président de l’AF3V de 1997 à 2003 et promoteur de la véloroute Nantes-Budapest, l’Eurovéloroute des fleuves, nous rejoint un peu plus loin pour la fin du voyage. Nous découvrons ensemble avec plaisir et intérêt une des parties, aménagées depuis plusieurs années, de ce grand projet.

Si la piste du Danube est plus connue des Français, l’intérêt de la véloroute du Rhin de Bâle à Constance n’est pas moindre. Nous alternons les itinéraires balisés sur les deux rives, Allemagne et Suisse, privilégiant la Suisse et ajoutant un détour montagneux pour varier les plaisirs. L’excellente desserte ferroviaire épargne à plusieurs d’entre nous les deux cols de cette étape plus sportive.

La route du Rhin, l’une des neuf de « la Suisse à vélo » (voir Roue Libre n°75), se confond avec l’Eurovéloroute des fleuves jusqu’au lac de Constance et se poursuit jusqu’à la source et au-delà. Nous réservons cette partie montagneuse à de prochaines aventures. La véloroute comprend des aménagements de bonne qualité, pistes cyclables en pleine nature ou parallèles aux axes routiers, parcours sur routes locales mais aussi des tronçons importants de voies non revêtues larges mais caillouteuses et quelques courts passages sans aménagement sur routes à grande circulation. Rien n’est parfait! Signalons des pentes de 20% non goudronnées près des chutes du Rhin mais ce passage est incontournable : le site est extraordinaire.

Le manque de vigilance entraîné par un balisage apparemment correct nous a égarés à deux reprises. Alternant bords du Rhin, forêts, moyenne montagne, vignobles, vaste panorama du lac de Constance, ce parcours est de toute beauté. Les centres d’intérêt sont nombreux et variés : vestiges d’une cité romaine, villes d’architecture baroque, chutes du Rhin.

Nous nous séparons à Constance, plusieurs d’entre nous prolongeant le voyage d’un ou deux jours.

En 15 jours, nous avons parcouru environ 220 km en Suisse et 580 km en France. Le parcours en France a compris une moitié de voies vertes, en majorité goudronnées, 240 km de routes à faible trafic, 15 km à grande circulation et 30 km de chemins, certains sur le tracé de tortillards oubliés, répartition proche de celle de la Suisse.

En ajoutant visites de ville et détours, nous atteignons 1 000 km au compteur pour les sept participants aux deux semaines (plus 8 participants partiels). Les voies vertes existantes et le réseau dense de routes très calmes ont donc permis de composer un itinéraire en France dont la qualité de circulation n’est pas éloignée de la Suisse à vélo.
La partie voies vertes de ce parcours sera encore prochainement étendue liaison entre la vélovoie des Lacs et le lac du Der, prolongement de la piste du canal du Rhône au Rhin de l’Alsace à la Bourgogne (Eurovéloroute des fleuves).

S’il n’atteint pas le niveau des environs du lac de Constance, l’une des grandes régions touristiques d’Europe, l’intérêt du parcours choisi en France n’est pas négligeable. Nous n’en avons pas épuisé toutes les possibilités: nous n’avons pas eu le temps de visiter le musée Napoléon à Brienne-le-Château, ni la Maison de l’Oiseau et du Poisson au bord du lac de Der, notre passage à Langres était un peu rapide et nous aurions bien passé une journée de plus à Mulhouse.

La différence entre la France et la Suisse réside moins dans les conditions de circulation, les aménagements et les centres d’intérêt touristique que dans la valorisation. Les voies vertes parcourues de Troyes à l’Alsace sont conçues comme des éléments isolés. Les rares balisages sont locaux et l’accès aux voies vertes à partir des centres n’est pas indiqué (de Troyes à la vélovoie, traversée de Mulhouse, etc.). De plus, les aménagements s’interrompent aux entrées de ville ou aux endroits où ils seraient le plus utiles.

Il existe aussi quelques points difficiles en Suisse mais ces passages sont dus à des contraintes topographiques (manque d’espace). En France, ces difficultés résultent de l’absence de prise en considération des continuités cyclistes.

Contrairement à l’Allemagne et à la Suisse où de nombreux guides et cartes cyclistes sont édités. aucune documentation n’est disponible en France. Le parcours proposé de Troyes à l’Alsace n’aurait donc pu être imaginé sans recherches préalables.

La différence de valorisation influe, bien sûr sur la pratique. Si nous avons constaté une circulation non négligeable sur quelques voies vertes, surtout à la périphérie des villes (Troyes, Vesoul, Mulhouse), d’autres semblent peu utilisées, par exemple le chemin de halage du canal de Joinville à Langres.

Les utilisateurs sont en majorité des promeneurs ou des sportifs, on croise quelques rollers, peu d’utilitaires en raison des mauvaises liaisons avec les centres-villes et, sauf en Alsace où l’on rencontre quelques randonneurs, quasiment aucun voyageur itinérant. La circulation cycliste est plus intense en Suisse et en Allemagne, le contraste est net à la frontière. La pratique est surtout plus diversifiée, utilitaire, sportive, promenade et aussi beaucoup de tourisme itinérant, familles avec enfants, cyclistes avec sacoches, remorques, vélos couchés, et même un engin caréné à assistance électrique. Enfin, les automobilistes suisses nous sont apparus très respectueux des cyclistes.

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