La Ville de Charenton-le-Pont et le Département du Val-de-Marne présentaient hier, mardi 17 septembre 2024, le projet de réaménagement de la rue de Paris (RD6). Le but principal est la sécurisation des cyclistes, avec la création de pistes cyclables séparées de la chaussée.
Contexte
La rue de Paris relie la porte de Charenton, au sud du bois de Vincennes, au pont de Charenton, qui relie la ville à Maisons-Alfort. Le dernier tronçon sud-est de la rue est le coeur de la ville, avec la mairie et une large section piétonnisée – quoi que le trafic motorisé y reste notable. Cette section n’est pas concernée par le réaménagement. Seule l’axe départemental (RD6) est concerné.
Celui-ci est équipée de bandes cyclables dans chaque sens depuis 2020. Coincées entre les voies de circulation et de stationnement, relativement étroites, les cyclistes y circulent sur le bord le plus éloigné des véhicules à l’arrêt pour diminuer le risque d’emportiérage. Les comptages réalisés par le Département font état d’une progression de la fréquentation vélo de 37% entre 2020 et 2023. Un chiffre pas étonnant, tant la rue de Paris est aujourd’hui visiblement empruntée par les cyclistes. La complétion des aménagements cyclables de la rue de Charenton et de l’avenue de la porte de Charenton, dans le 12ème arrondissement, permettent déjà de faire plus de trois kilomètres en toute sécurité. Demain, le prolongement d’un aménagement qualitatif pour les cyclistes sera particulièrement efficace pour mettre au vélo des habitant·es qui ne sont pas encore à l’aise à l’idée de l’utiliser quotidiennement !
Principes d’aménagement
L’aménagement consiste globalement en l’inversion des espaces circulation des cyclistes et de ceux de stationnement, automobile et cyclistes. La largeur des voies cyclables est revue à la hausse, à la fois pour coller aux fréquentations actuelles et attendues et pour se conformer aux normes pompiers qui doivent permettre de laisser leurs véhicules se positionner à une distance donnée du bâti. Par ailleurs, cela va aussi permettre aux cyclistes de rouler à deux de front et faire du vélo un mode de déplacement convivial.
Calendrier
Les travaux sont prévus pour dix mois, à partir de fin octobre ou début novembre. Ils seront découpés en deux phases, jusqu’à fin 2024 pour la section allant de la porte de Charenton à Liberté. On pouvait le deviner en découvrant que la station Vélib “Place des Marseillais” était fermée jusqu’au 31 décembre 2024. La section entre Liberté et le centre-ville sera aménagée en 2025. Cela coïncide par ailleurs plutôt bien avec le réaménagement en cours de cette place minérale, qui va être végétalisée, pour une livraison prévue en mars prochain.
Un point de vigilance n’a pas été évoqué durant la réunion : la Ville de Paris a l’habitude, durant les vacances, de rénover section par section l’itinéraire cyclable des quais de la rive droite, depuis la porte de Bercy jusqu’à, on l’espère, le Ministère des Finances. Cela peut nécessiter la fermeture d’un itinéraire cyclable majeur pour les Val-de-Marnais·es, qui sont invité·es à traverser la Seine et emprunter la rive gauche, ou à passer par le coeur de Charenton. La rive gauche étant moins confortable que la droite, beaucoup préfèrent remonter dans Charenton. Il serait dommage de les envoyer dans un axe en travaux encore moins confortable. On espère une bonne synchronisation des chantiers, ou à défaut, une excellente communication sur les déviations.
Stationnement
L’impact sur le stationnement suscite quelques inquiétudes. Il nous semble étonnant que ni la Ville, ni le Département ne soient en mesure de chiffrer précisément le nombre de places supprimées, si près du lancement des travaux. Une vague estimation est lancée, “une trentaine de places” devraient disparaître. Cela permettra de mettre l’axe en conformité avec la loi, qui impose de dégager la visibilité en amont des passages piétons.
Cette loi impacte aussi le stationnement vélo, mais pour le favoriser : ces espaces interdits au stationnement automobile et des 2 roues-motorisés sont disponibles pour y créer du stationnement vélo, puisque ceux-ci ne masquent pas autant les piétons. On s’étonne alors que ne soient annoncés qu’une trentaine de places vélos créées : on doit pouvoir en insérer huit, voire dix fois plus ! Une précision est apportée lors des questions du public : il ne s’agira pas de 30 places, mais 30 arceaux, soit le double. La ville de Charenton utilise en effet parfois les mêmes arceaux que Paris, un modèle adopté avec l’aide de MDB, notamment en ce qu’il permet de faciliter l’attache d’un deuxième vélo.
Aucune précision n’a pu nous être donnée sur le devenir des quelques arceaux actuellement disponibles sur le trottoir de la rue de Paris : vont-ils disparaître, être laissés en l’état ou rester tout en devenant accessibles depuis la piste, sans avoir à monter sur le trottoir ? Dans tous les cas, sont-ils comptabilisés dans ce total de 30 arceaux, ou non ? On le saura sans doute à la fin des travaux.
Réception de la réunion publique
L’impact des préconisations du Collectif vélo Île-de-France est visible, explicite dans les échanges. Pour répondre à une question sur le caractère obligatoire ou facultatif des pistes qui vont être créées, le Maire invite même directement le représentant de Paris en Selle Marne & Bois à répondre. Un signe de confiance impressionnant !
Globalement, aucune critique sur l’aménagement cyclable tel que proposé. La Ville de Charenton est engagée dans une politique de réduction des nuisances liées à l’automobile, l’assume comme peu d’autres en région parisienne. On a entendu le maire répondre à une question à propos des bouchons qu’ils diminueraient “lorsque vous vous serez mise au vélo grâce à ces nouvelles pistes”, et on a demandé à notre voisin de nous pincer. On apprend également que la ville n’a pas plus de nouvelles que nous du projet de réduction de la vitesse maximale autorisée sur l’autoroute A4, dont le bilan devait être publié à l’été pour une mise en oeuvre au 4ème trimestre 2024. Vous savez, celui qui commence au mois d’octobre. Les contributions à l’enquête publique étaient très largement favorables à cette expérimentation, voire mieux-disantes.
Monsieur le Maire fait également mention du trafic de transit qui pourrit la vie des Charentonnais·es “depuis 30, voire 40 ans” en raison de la présence d’une bretelle d’accès à l’autoroute A4 en plein coeur de ville. On serait tenté de pousser le bouchon jusqu’à 50 ans et de mettre également en cause le boulevard périphérique. Peut-être que la fermeture de la sortie porte de Charenton pourrait apaiser un peu le quotidien à Charenton ?
Stratégie vélo départementale
Attendu, le président du Département a finalement été remplacé par sa vice-présidente chargée des infrastructures routières. Le Département est responsable de cet aménagement, qui devrait être la principale réalisation du mandat, avec l’avenue de Paris à Vincennes. Il y a de quoi s’inquiéter sur l’ambition de la stratégie vélo départementale, qui semble menacée par des finances exsangues. Le budget du projet, 3 millions d’euros, est d’ailleurs supporté au minimum par le Département : 20% ! Métropole et Région assument la majeure partie du financement (44% et 25%) d’un projet qui n’est pas rattaché au réseau Vélo Île-de-France (ex RER V) de la Région, mais bien à la ligne 4 du réseau Vélopolitain porté par la Métropole. L’État (8%) et la Ville (3%) complètent le tour de table. Un Département aux poches vides qui aura du mal à réaliser beaucoup d’autres pistes rapidement.