n°114 (mars-avril 2010)

À vélo, on dépasse les autos (et pas qu’à Paris)

«Quand on sait qu’il y a un stationnement, payant ou pas, que c’est possible de se garer; on y va en voiture. Même s’il y a une alternative. La tentation d’avoir recours à la voiture est forte car c’est la liberté, l’autonomie et le confort. Utiliser un mode alternatif cela demande d’anticiper et de gérer son temps autrement.»

Cette constatation d’un élu reflète bien les problématiques actuelles.

D’une part, elle atteste que, en matière de transport, l’offre crée la demande : plus on fait d’aménagements pour un mode de déplacement, plus ce mode se développe. On fait des routes, des parkings pour les voitures? Il y a plus de voitures. On fait des aménagements cyclables et des stationnements vélos il y a plus de vélos.

D’autre part, elle atteste l’idée que dans l’esprit de beaucoup, la voiture, c’est la liberté, l’autonomie et le confort. Pour le confort,je veux bien. Pour l’autonomie, ça se discute quand on est obligé d’emprunter pour acheter une voiture, l’autonomie devient soudain toute relative face aux traites de remboursement du crédit, ainsi que face au coût de l’assurance, des réparations et du prix du plein, même si d’aucuns s’en sortent mieux que d’autres : « Ben moi, j’en mets toujours pour 20 euros.» Par contre, pour la liberté, j’ai des doutes matin et soir Car s’ils ont l’air autonomes et confortablement installés, les automobilistes tout seuls dans leur auto scotchée dans les embouteillages ne m’ont pas l’air très libres, mais au contraire bien prisonniers de leur choix — choix relatif car imposé par l’idée dominante qu’on leur serine depuis des décennies plus que par l’absence de solutions alternatives qui ne sont, elles, pas mises en avant.

Quand je double tous ces auto-coincés, j’avoue que je suis parfois assez loin de l’altruisme qui devrait conduire mes pensées, et que ça me fait bien rigoler de les voir tous, seuls dans leur voiture contraints à l’immobilisme. «Alors, vous vous sentez libres, là?» ai-je envie de leur crier C’est pas gentil, hein? Mais bon, pourquoi bouder son plaisir même si c’est au détriment de celui des autres?

Quoi qu’il en soit, cela ne fait hélas pas descendre les automobilistes de leur voiture pour monter sur un vélo. Et pourtant, une large partie en serait capable.

Mais comment lutter contre les habitudes, même si elles sont mauvaises, comment convaincre l’autre qu’il serait mieux à notre place qu’à la sienne, quand les représentants de l’État, les maires et les aménageurs n’ont que le moteur dans leur tête?

Quand entendrons-nous M. Séguéla énoncer la phrase suivante : «Si à cinquante ans, ça ne fait pas trente ans qu’on se déplace à vélo, on a quand même raté sa vie»?

Kiki Lambert

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