n°120 (mars-avril 2011)

L’Auto et le Vélo

L’Auto un jour dit au Vélo :

« Vous avez bien sujet d’accuser la Nature ;

Un tonnelet pour vous est un pesant fardeau.

Le moindre vent, qui d’aventure

Fait rider la face de l’eau,

Vous oblige à baisser la tête :

Alors que mon pare-brise, au Caucase pareil,

Non content d’arrêter les rayons du soleil,

Brave l’effort de la tempête.

Tout vous est Aquilon, tout me semble Zéphyr.

Encor si vous étiez à l’abri d’un blindage

D’un habitacle, d’un carénage…

Vous n’auriez pas tant à souffrir :

Vous ne craindriez plus l’orage ;

Mais vous restez le plus souvent

Sur les humides bords des Royaumes du vent.

La nature envers vous semble bien égoïste. »

« Votre compassion, lui répond le Cycliste,

Part d’un bon naturel ; mais quittez ce souci

Les pluies ne sont pas si redoutables.

Je subis, mais ne fonds pas. Certes jusqu’ici

Malgré leurs coups épouvantables

Vous évitez le vent et l’eau ;

Mais attendons la fin ». Comme il disait ces mots,

Au centre du carrefour, en plein mitan des files,

Stoppe le camion le plus grand

Que la ville eût porté jusque-là dans ses flancs.

L’Auto attend ; le Vélo file.

Le sort redouble ses efforts,

Et fait si bien que se termine

L’élan de l’Auto qui du Vélo fut voisine.

L’Auto est condamnée à rester au point mort !
Kiki Lambert
(librement inspiré de Jean de La Fontaine)

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