n°124 (novembre-décembre 2011)

J’ai eu comme un choc

La sécurité routière est un sujet fort sérieux, un réel enjeu de société, un thème sur lequel il y a autant d’experts que d’usagers… lesquels n’ont pas manqué de hurler à la suite des décisions du conseil interministériel sur la sécurité routière de mai 2011, qui a conduit le gouvernement à enclencher la marche arrière. Nos vaillants parlementaires se sont penchés sur la question et ce, fort opportunément, car ils ont pu découvrir une cause d’accident de la route jusqu’alors non identifié par tous les chercheurs qui les ont précédé : le choc émotionnel lié à la circulation d’un cycliste à
contresens. Parmi les 305 pages du rapport, penchons-nous sur notre cas de cycliste et analysons le texte et les réflexions de certains de nos parlementaires :

2. La place des bicyclettes dans le trafic

La généralisation des systèmes de vélos en libre service dans les principales métropoles a eu un effet sur le partage de l’espace public, entre cyclistes et automobilistes, entre cyclistes et conducteurs de poids lourds, d’autocars ou de taxis, entre cyclistes et deux roues motorisés, et enfin entre cyclistes et piétons, ce dernier cas méritant qu’on s’y arrête.

Nous recensons ainsi 6 types d’humains partageant l’espace public : les cyclistes, les automobilistes, les conducteurs de poids lourds, les conducteurs d’autocars, les conducteurs de taxi et les piétons ; les deux-roues motorisés n’étant vraisemblablement pas conduits par des êtres humains. C’est bien ce qu’on constate quotidiennement !


Généralement peu sanctionnée – voire ouvertement tolérée – la circulation des vélos sur les trottoirs adresse un mauvais signal : d’abord en ce qu’elle ôte au trottoir son caractère de « sanctuaire » pour les piétons, tout particulièrement les personnes âgées et les
enfants ; ensuite, parce qu’elle incite le cycliste à se considérer comme exonéré du respect des règles communes du code de la route ; enfi n, parce qu’elle suscite l’imitation chez les conducteurs de deux-roues motorisés, ce qui constitue un danger mortel pour les piétons.

Notons que les deux-roues motorisés ont retrouvé une âme ; cependant fort noire, puisqu’elle tue les piétons. Mais il faut bien sûr sanctionner plus durement les cyclistes pour que les conducteurs motorisés n’imitent pas les cyclistes. Euh… quitte à imiter les cyclistes, vous pourriez vous déplacer à vélo, tant qu’à faire…

Plusieurs membres de la mission ont exprimé des réserves quant à la banalisation des voies de circulation à contresens destinées aux cyclistes, les « double-sens cyclables » institués, en particulier dans les « zones 30 », par le décret n° 2008-754 du 30 juillet 2008 portant diverses dispositions de sécurité routière. En effet, ces aménagements
transgressent le « tabou » du sens interdit et peuvent entraîner, par effet de surprise, des réactions non maîtrisées des autres usagers de la route. En outre, bien que le code de la route l’interdise expressément, il n’est pas rare que les usagers des deux-roues
motorisés se croient autorisés à emprunter ces voies, ce qui fait changer de nature le risque induit.

Il faudrait aussi penser à : supprimer le « sens-interdit sauf riverains », qui permet aux riverains de transgresser un tabou, ainsi que le « sens-interdit au plus de 3,5 t », qui permet aux moins de 3,5 tonnes de transgresser ce même tabou ; proposer des stages de maîtrise de réaction aux autres usagers de la route ; envisager d’interdire aux usagers des deux-roues motorisés de faire des choses interdites.

C’est peut-être finalement plus simple de supprimer le double-sens cyclable. D’autant que :

On peut donc juger souhaitable qu’une évaluation de ce mode de circulation soit menée avant d’en poursuivre l’extension dans les zones urbaines. Dans le cadre de cette étude, il conviendra de ne pas se focaliser sur l’accidentalité induite par de tels aménagements
car au-delà du risque direct d’accident qu’ils peuvent entraîner, ils contribuent à rendre l’espace partagé moins sécurisant en créant de nouvelles sources de tension.

En d’autres termes, même si l’enfant ou la personne âgée qui n’ont pas l’habitude de regarder des deux côtés avant de traverser une voie à sens unique ne sont pas renversés par le cycliste, le choc émotionnel
que peut occasionner son irruption brutale n’est pas à négliger.

En matière d’accidentalité, l’indicateur n’est pas le nombre d’accidents, du moins pas en ce qui concerne les doubles sens cyclables. L’ONISR va devoir créer une nouvelle catégorie d’accident de la route : le choc émotionnel.

La mission a eu connaissance de situations – sans doute extrêmes
– où des personnes âgées finissaient par renoncer à sortir
de chez elles de peur d’être renversées sur un trottoir par un patineur,
un usager de trottinette, un cycliste ou un scootériste.

Il va donc falloir songer sérieusement à interdire la circulation des patineurs, des trottinettes, des cyclistes et des scootéristes sur les trottoirs, surtout quand tout ce beau monde circule à contresens (ne pas oublier préalablement d’inventer le trottoir à sens unique et d’y autoriser les cyclistes et scootéristes).

Enfin, la sécurité de tels aménagements pour les cyclistes eux-mêmes
n’est pas formellement établie, l’effet de surprise pour les automobiles pouvant entraîner des collisions qui leurs sont forcément défavorables du fait de leur vulnérabilité.

Bon là, grammaticalement, je m’y perds un peu… mais je crois saisir le (bon) sens que je résume : Les doubles-sens cyclables, même quand il n’y a pas d’accident, c’est dangereux parce que ça transgresse un tabou, ça donne des mauvaises idées aux conducteurs de deux-roues motorisés, ça provoque des chocs émotionnels aux personnes âgées et aux enfants et des collisions surprenantes avec les automobiles
(notez d’une part que c’est l’automobile qui est surprise, pas le conducteur et que d’autre part la vulnérabilité des automobiles est ici reconnue)

Proposition n° 38 : Évaluer le dispositif des double-sens cyclables

Proposition de MDB : évaluer le taux d’anosognosie chez
certains parlementaires.

Kiki Lambert

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