n°130 (novembre-décembre 2012)

Le tabou des feux rouges

Les signaux lumineux ont un succès relatif avec les piétons qui passent généralement au rouge piéton s’il n’y a aucune voiture à l’horizon ou si les voitures sont complètement immobilisées par un bouchon. Si le petit bonhomme passe au rouge au moment où le piéton va traverser, celui-ci traverse quand même s’il estime qu’il peut suffi samment accélérer le pas pour atteindre l’autre côté à temps ou presque. C’est tellement banal que, lorsqu’il arrive qu’un piéton écope d’une amende de 4 € pour avoir transgressé l’article R412-38 du code de la route, on retrouve l’histoire dans les journaux locaux !

En revanche, les véhicules motorisés, qui passent d’habitude leur temps à commettre des infractions (excès de vitesse, stationnements illicites…), font preuve d’un bien plus grand respect du signal rouge. Pour eux, le feu rouge est quasiment un tabou. C’est d’ailleurs un tabou à 90 € et 4 points, voire jusqu’à trois ans de suspension du permis de conduire !

Cela amène à des situations paradoxales : on peut voir régulièrement des deux-roues motorisés sagement arrêtés au feu rouge, en plein milieu de la bande ou de la piste cyclable, voire dans la voie de gauche (à contresens). Ils se sont figés là où ils ont été surpris par le feu, sans que cela les gêne le moins du monde d’être dans une file qui leur est interdite. 1, 2, 3, soleil !

Pourquoi des feux ? Réponse : le signal vert permet de franchir une intersection à vive allure. Sinon, pour simplement éviter les embouteillages il existe théoriquement la priorité à droite, le stop et les cédez-le-passage (dont la flèche orange clignotante et maintenant le signal spécifique pour les cyclistes). Notons d’ailleurs que certains feux passent à l’orange clignotant aux heures où le trafic diminue.

L’inconvénient de ces réglementations est de demander aux automobilistes
d’observer civisme et réfl exion. En revanche, la régulation de la circulation par des feux permet à l’automobiliste d’avancer avec un état d’éveil limité. Il se fie au signal sans réfléchir.

Premier exemple : avez-vous déjà observé les deux-roues motorisés lorsqu’ils sont arrêtés au feu rouge ? Certains conducteurs, très avancés, doivent tourner franchement la tête pour surveiller le feu. Ils sont en mode automatique : dès que le feu passe au vert ils démarrent. La tête et le regard ne se tournent vers l’avant qu’après !

Deuxième exemple : une fois lancé, l’automobiliste attend le prochain feu rouge pour s’arrêter. Conséquence, les statistiques tiennent le compte des piétons âgés, trop lents, renversés en sortie de carrefour ! Somme toute, pensez-vous que les feux soient un gage de sécurité ?

Et le vélo dans tout ça me direz-vous ? Pas facile. Juger du comportement du cycliste qui grille un feu revient à hiérarchiser les transgressions des uns et des autres. Essayons. Les piétons s’avancent sur la chaussée en attendant un trou dans la circulation sans respect pour la bande cyclable, traversent au bonhomme rouge, et personne ne dit rien. Un vélo passe au rouge et on crie au scandale. L’imaginaire collectif est clair : le piéton est moins tenu par le code de la route que les véhicules.

Or les cyclistes hésitent à se considérer soit comme des conducteurs de véhicules (ce qu’ils sont) soit comme des piétons qui auraient oublié de mettre pied à terre. Dans un grand carrefour calme, j’ai vu un cycliste traverser au rouge en se déportant largement pour rouler sur le passage piéton : vous voyez l’amalgame ! Le cycliste se met-il en danger ? Pas forcément. Les carrefours et les phases de feux sont encore rarement conçus en pensant aux bicyclettes, si bien que le cycliste peut se sentir plus en sécurité en anticipant le feu vert.

Par ailleurs, certains feux sont maintenant munis d’un panneau autorisant les vélos à passer au rouge, « en respectant la priorité accordée aux autres usagers, et principalement aux piétons ». Ceci est la preuve de l’innocuité de la manoeuvre (prudente) à ces endroits-là, car ce n’est évidemment pas la pose du panneau qui diminue le niveau de risque.

Bref, je constate que les feux ne sont pas adaptés aux besoins des vélos et je dénonce l’absurdité du respect à la lettre poussé à l’extrême. Je soutiens donc ardemment la demande d’une évolution du code de la route afi n que les feux rouges soient considérés comme des cédez-le-passage pour les vélos, en demandant aux cyclistes de faire attention.

Je condamne par ailleurs les cyclistes sans-gêne, inconscients ou suicidaires qui ne respectent ni les piétons ni les voitures et qui ne seront pas plus dans leur droit ni plus en sécurité quelle que soit la réglementation.

Thierry Delvaux

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