Le vocabulaire de la communication
Les cyclistes sont parfois mal vus au prétexte qu’on leur permet soi-disant de prendre les sens interdits et de brûler les feux rouges. Ces critiques dévoilent peut-être le caractère normatif de ceux qui les tiennent, mais elles révèlent aussi un peu de jalousie et surtout beaucoup d’ignorance et d’incompréhension. Et dans l’origine de cette incompréhension, le vocabulaire employé a sa part. Ces notions du code de la route étant nouvelles, il est souhaitable de bien choisir les mots pour les expliquer, en évitant les expressions provocatrices relayées par les médias en quête d’audience.
Sur le sujet des sens interdits, une bataille a eu lieu entre spécialistes pour promouvoir l’expression « double sens cyclable » au lieu de « contresens cyclable ».
Cette deuxième formulation dénote en effet un « voiture-centrisme » qui prête à tous les « contresens » de compréhension. Cependant, bien que juste techniquement, l’expression DSC s’avère jargonneuse. En effet, hors les militants et les techniciens concernés, les mots qui la composent ne font pas partie du langage quotidien.
Ainsi, lors d’une série d’actions de sensibilisation grand public, nous avions une tente blanche installée dans la rue avec une grande banderole marquée « double sens cyclable – parlons-en ensemble ». Parmi les passants qui se sont arrêtés, une dame est venue nous parler de recyclage… avant de s’apercevoir qu’elle avait confondu les mots. Pour les autres, nous avons dû expliquer bien souvent que les vélos ont le droit de rouler dans les deux sens, y compris dans celui des voitures ! même si les figurines vélos ne sont posées sur la chaussée que dans le sens opposé à la circulation des voitures.
C’est pourquoi je préfère dire d’abord que « les sens interdits sont supprimés », puis continuer en précisant « sauf pour les voitures et les motos ». En effet, tout le monde sait comment il faut se comporter quand la rue n’est pas à sens unique : les piétons comprennent qu’il leur faut regarder des deux côtés avant de traverser et les automobilistes comprennent qu’il leur faut regarder des deux côtés pour franchir un carrefour.
Le reste (le « face à face voiture/vélo ») ne me soucie pas car il ne pose pas de problème spécifique de sécurité.
Les DSC ne sont pas encore complètement digérés et il faut déjà communiquer sur le « tourne à droite » et le « tout droit » au feu rouge. Le discours ne concerne pas beaucoup les automobilistes car rien ne change pour eux. En revanche, il faut expliquer à tous les types de cyclistes que ces fameux panneaux triangulaires posés sous certains feux, ainsi que les flèches orange clignotantes, sont avant tout des «CÉDEZ le passage», «à droite» ou «tout droit», peu importe : le cycliste ne doit pas s’engager si la voie n’est pas entièrement dégagée.
En particulier, il doit penser à respecter la distance nécessaire au sentiment de sécurité et de confort des autres usagers et particulièrement des piétons. Laquelle distance est à apprécier non pas de son propre point de vue mais de celui de chacun de ces autres usagers, en se souvenant que cette distance augmente avec les difficultés de mobilité et donc avec l’âge. Sinon le cycliste abusif serait non seulement en infraction mais surtout incivique, c’est-à-dire nuisible à la vie en bonne intelligence avec ses concitoyens.
Morale : employons les bonnes expressions et les bons mots, ceux qui sont porteurs du sens primordial. Ce qui donne par exemple « rue à double sens de circulation, dont un sens est interdit aux véhicules motorisés » et « cédez le passage aux piétons et aux véhicules s’approchant ». C’est un peu long mais c’est plus explicite. Je suis favorable aux raccourcis pour la circulation des vélos mais me méfie des raccourcis de langage.
Morale de la morale : soyons des citoyens civiques et militons pour continuer à faire évoluer le code de la route dans l’optique de favoriser les modes actifs dont nos villes ont tant besoin.
