n°95 (janvier-février 2007)

Gamelle présidentielle ou chronique d’un échec annoncé

Las ! Las ! voyez comme en peu d’espace…

Ainsi aurait pu commencer le poète racontant l’épopée des aménagements cyclables le long des Maréchaux sud. Plus prosaïquement, je souhaitais m ‘attarder dans cet éditorial de nouvelle année sur cet éléphant de travaux qui a accouché d’une souris cyclable. En effet nous avons vite compris notre erreur quand les premières esquisses du réaménagement nous furent présentées. Si nous avions à l’époque exprimé le choix d’aménagements latéraux plutôt que centraux (ou au moins le long des voies de tram), c’était pour faciliter l’accès aux cyclistes « débutants ». La mainmise de l’architecte imposant ses « vues du ciel » et une mission tramway ayant à se débattre dans des difficultés nombreuses (dont celles fomentées par certains élus de la majorité précédente qui avait pourtant initié le projet !) nous firent vite craindre le pire.

De « on va bien prendre en compte vos remarques » à « attendez, ce n ‘est pas fini », il a fallu attendre la quasi-fin des fravaux pour constater les dégâts. Ceux-ci sont malheureusement nombreux. Commençons par le plus grave: les interruptions de piste parfois sur plusieurs centaines de mètres, chaque fois que l’emprise ne permet pas de tout caser.

Comme on ne peut pas pousser les murs, ni interrompre les rails, ni réduire les trottoirs, et qu’on n’a pas voulu laisser les voitures sur une seule file, qui a-t-on sacrifié ? le vélo. Anecdotique sans doute pour la plupart des Parisiens, ce « détail » rend quasi inopérante la notion d’itinéraire sans laquelle aucun cycliste débutant ne se lance en sécurité. Quel gâchis !

Parmi les détails, passons sur les « vues » des bordures de plusieurs centimètres qui font tressaillir les cyclistes à chaque passage malgré un essai d’amélioration par un meulage tardif et arrêtons-nous un instant sur le revêtement. Outre qu ‘il est loin d’être plat comme en témoignent les innombrables flaques qui jonchent la piste dès qu’il pleut, il glisse. Si ! si! Je l’ai testé pour vous. Toujours soucieux d’être à la pointe de l’info, je me suis détourné de mes itinéraires habituels pour tenter un Porte de Vanves – Porte de Charenton un samedi humide de décembre. Face au stade Charléty la piste, qui s’est jusque-là approchée du stade, tourne brutalement et sans raison vers le boulevard pour couper les voies du tram qui, à cet endroit, d’axial devient latéral. Voulant éviter le piège des rails en creux et soucieux de boire le calice jusqu’à la lie, votre président ralentit sa course et s’impose de suivre fidèlement la piste. Las ! c’était sans compter sur l’humidité traîtresse qui fit bientôt chasser la roue arrière du Brompton et envoya ledit président regarder de plus près ledit revêtement. Intuition, méfiance, je vis venir la gamelle et réalisai un magnifique roulé-boulé qui ne me valut qu’un peu de crasse sur mon beau blouson jaune et une énorme blessure… d’amour-propre. Heureusement il n y a eu que trois piétons pour assister à la scène, dont une maman et son fils qui osèrent les mots horrifiés qui s’imposaient : « Et vous n’aviez pas de casque ! »

Alors on comprendra qu’en comité de pilotage parisien, lorsque la mairie a proposé pour la suite du tracé un « traitement des interruptions », je me sois fâché tout rouge!

Tant qu ‘on continuera à faire des aménagements en ayant soin de ne déranger personne dans la gent motorisée et en confiant les plans à des architectes dont la dernière sortie à vélo remonte à leur petite enfance, on n’aura pas franchi le cap d’une vraie politique cyclable. Le chemin est encore long et MDB est plus que jamais nécessaire.

Bonne année à tous.

Pierre TOULOUSE

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