Mercredi 1er février, la déléguée interministérielle à la Sécurité routière, Florence Guillaume, lors de la présentation du bilan 2022, insistait sur une “hausse préoccupante” de la mortalité des cyclistes. Les médias ont repris en coeur ce communiqué. Nous avons eu droit aux marottes habituelles sur la dangerosité du vélo. Mais aussi sur la nécessité du port du casque et les cyclistes qui grillent les feux rouge. Dans le même temps, les associations de cyclistes franciliennes se félicitaient des bons chiffres 2022 dans la capitale et les départements d’Ile-de-France. Alors pourquoi cet imbroglio médiatique et cette communication antinomique ? On regarde cela de plus prêt pour démêler le VRAI du FAUX.
Ce que disent les chiffres
Pour commencer, regardons ce que disent les chiffres publiés par l’ONISR ici. Il y a effectivement une augmentation de 30% du nombre de cyclistes tués sur les routes de France entre 2019 et 2022. Même si le nombre de cyclistes tués (244) reste largement inférieur aux nombres de piétons tués (484), de conducteurs de 2 roues motorisés (715) et surtout d’automobilistes tués (1563).
Les chiffres montrent aussi une forte disparité entre les cyclistes des villes et les cyclistes des champs. 244 personnes ont été tuées à vélo en 2022, dans le bilan provisoire dressé par l’ONISR. Parmi celles-ci, 56% roulaient sur des routes de campagne. Hors agglomérations, on constate une augmentation de 47% de la mortalité chez les cyclistes, soit 3 fois plus qu’en agglomération. À eux seuls, les hommes de 55 ans ou plus circulant hors agglomérations représentent 38% des tués à vélo. L’augmentation des accidents mortels a lieu sur les routes départementales et encore plus fortement sur celles limitées à 90 km/h.
La vitesse est la principale cause de mortalité comme rappelé dans cet article de France Info. Il est illusoire de vouloir faire cohabiter des cyclistes avec des véhicules motorisés lancés à 90km/h. Les présidents de départements ayant pris la décision irresponsable d’augmenter les vitesses ont une part de responsabilité tandis que l’absence de pistes cyclables à la campagne est pointée du doigt par les associations. Il est intéressant de voir que dans les pays voisins, on réfléchit même à ne plus faire cohabiter les cyclistes et les véhicules motorisés sur des routes à partir de 50 km/h.
Ce que ne disent pas les chiffres
Mais le plus important est peut être ce que ne disent pas les chiffres. À savoir que la pratique du vélo a sensiblement augmenté ces dernières années. La hausse de la pratique est bien supérieure à la hausse des accidents. En ville, l’augmentation des accidents est de 16%. Alors que la pratique du vélo a augmenté de 34% en 2022 selon les compteurs vélo. Ces chiffres démontrent une nouvelle fois l’effet de la « sécurité par le nombre » déjà observé dans nos pays voisins. Si nous utilisions les chiffres de la mortalité par kilomètre parcouru comme le font d’autres pays, nous observerions une baisse de l’accidentalité des cyclistes et non une hausse.
Il en va de même pour les trottinettes électrique. L’augmentation des accidents n’est que le reflet de l’augmentation de la pratique depuis 2018. Cela ne nous dit pas grand chose sur la dangerosité de ce mode de déplacement par rapport aux scooters par exemple. Ce serait d’autant plus important d’avoir ces chiffres alors que le débat s’ouvre sur l’interdiction des trottinettes en free floating à Paris.
Quid de la mortalité en Île-de-France et à Paris
À Paris, les cyclistes n’ont jamais été aussi nombreux et pourtant la capitale a compté un seul accident mortel en 2022. C’est un record historique comparé aux années précédentes (2021 : 7 morts, 2020 : 8 morts, 2019 : 4 morts). Non seulement le réseau de pistes cyclables protégées a été étendu et pérennisé à la sortie de la crise Covid, mais la Mairie a également mis en place le 30km/h généralisé dont on sait qu’il est efficace pour faire baisser la mortalité. Ces chiffres démontrent une nouvelle fois l’effet de la sécurité par le nombre. Plus les cyclistes sont nombreux, plus ils sont en sécurité ; comme déjà observé dans les pays du nord de l’Europe.
Dans le reste de l’Île-de-France, la situation est similaire avec une baisse record du nombre de cyclistes tués. Nous sommes passés de 24 cyclistes tués en 2021 à seulement 10 tués en 2022. Il s’agit d’une baisse significative de 58% sur un an et de 33% par rapport à 2019. Là encore, les aménagements cyclables mis en place pendant la crise Covid par les départements ont participé à la baisse de la mortalité ainsi qu’à la sécurité par le nombre. Dans le département 92 par exemple, le nombre de cyclistes a augmenté de 60% et le nombre de morts a été divisé par 3 depuis 2019.
Quelles solutions en ville ?
On l’a compris, il est bien plus sûr de circuler en ville sur des pistes cyclables ou dans des rues limitées à 30 km/h que sur des départementales rapides. Mais que peut on faire encore pour réduire les accidents et mieux protéger les cyclistes ?
- Continuer à pérenniser les Coronapistes. Il reste encore beaucoup de pistes cyclables temporaires qui demandent à être finalisées avec des protections durables et une continuité cyclable. Nous incitons les départements à poursuivre leurs efforts dans cette direction et à finaliser le RER Vélo.
- Réduire le risque d’accident liés aux angles morts des poids lourds. Il faut généraliser les aménagements de type carrefours néerlandais et limiter l’utilisation des poids lourds à faible visibilité lorsqu’ils ne sont pas équipés de systèmes d’alerte actifs ou passifs (caméras, détecteurs).
- Réduire le risque d’emportièrage. Il faut supprimer toutes les bandes cyclables et pictogrammes vélos placés trop près des véhicules en stationnement.
Enfin, nous alertons les pouvoirs publics sur la recrudescence du téléphone au volant, qui devient endémique. Les conducteurs sont de plus en plus nombreux à écrire des messages, faire des appels en visio, se filmer sur TikTok, ou même regarder Netflix en conduisant. C’est inquiétant et dangereux.
Quelles solutions à la campagne ?
A la campagne, l’absence d’aménagements cyclables et le différentiel de vitesse entre les voitures et les vélos pose problème. Les véhicules motorisés frôlent les cyclistes lors des dépassements et percutent même des cyclistes arrivant en face. On observe une recrudescence des cas de cyclistes percutés volontairement par des automobilistes. Que peut-on faire pour sécuriser les cyclistes en péri-urbain ?
- Créer un maillage de pistes cyclables continues et sécurisées pour relier les villes entre elles
- Réduire la vitesse et lutter contre les élus qui souhaitent repasser à 90km/h. C’est totalement criminel et cela engendre une augmentation des accidents mortels. Un cycliste à 30km/h n’a aucune chance face à un véhicule motorisé lancé à 90km/h qui viendrait le percuter.
- Autoriser la police et la gendarmerie à utiliser les signalements de cyclistes équipés de caméras embarquées, comme en Grande Bretagne. Détecter et verbaliser les chauffards au comportement dangereux avant qu’ils ne tuent quelqu’un est un enjeu majeur.
Nous soutenons la FUB qui rappelle que c’est aux pouvoirs publics d’assurer la sécurité de tous les usagers de la route, à commencer par les plus vulnérables d’entre eux. Un plan vélo national se doit de viser une sécurisation des routes en ville comme à la campagne pour permettre une réduction significative du nombre de morts à vélo et accompagner la massification de la pratique. L’État doit prendre ses responsabilités et donner les moyens aux collectivités d’investir dans des aménagements cyclables.