par Wouter Balk
En fonction du handicap, ils existent des solutions techniques diverses pour faire du vélo. Tout le monde connait les vélos couchés à manivelle des jeux paralympiques. Ces vélos, certes plutôt performants, ne sont pas très pratiques et surtout dangereux dans la circulation sur route au quotidien, car très bas et peu visibles pour les automobilistes. Ensuite il y a les handbikes qui s’attachent sur un fauteuil roulant existant comme une cinquième roue. Ces handbikes peuvent être équipés d’une assistance électrique pour augmenter la vitesse moyenne et la distance franchissable, mais ça a un coût non négligeable.
Les obstacles pour les personnes en état d’handicap résident le plus souvent dans le coût des équipements faits sur mesure et dans l’obtention d’un accompagnement et de conseils adaptés.
La réalisation d’un voyage à vélo peut présenter cependant un vrai défi sportif qui peut donner sens à la vie et de la motivation pour dépasser ses limites physiques, surtout quand on vit avec un handicap. Avec l’association Melun Agglo A Vélo Fabrice est parvenu à acheter un handbike et à démarrer son projet.
Le récit qui suit, parle de Fabrice Rouillé un Melunais de 49 ans qui se déplace en fauteuil roulant depuis sa jeunesse et qui a le projet de faire du vélo.
Ma rencontre avec Fabrice
Parfois, lors des réunions de notre antenne Melunaise de Mieux se Déplacer à Bicyclette, Fabrice venait participer avec son fauteuil électrique. Il nous demandait de l’aide pour réaliser son projet ambitieux de faire du vélo.
En septembre de cette année, après une longue interruption de nos activités pour cause de crise sanitaire, alors que nous étions sur un stand du forum des associations de Melun, revoilà Fabrice dans son fauteuil, toujours le même discours : il cherche des accompagnateurs pour un voyage à vélo.
Cette fois-ci, il parle en plus de relier Berck à Biarritz à vélo par la route de l’impératrice Eugénie.
On s’est regardés un peu mal à l’aise, ne sachant rien sur son handicap, on ne savait pas trop quoi lui dire.
Je lui ai demandé tout de même ses coordonnées et nous nous sommes donnés rendez-vous dans un café quelques jours plus tard pour discuter et en savoir un peu plus.
Dans le café, Fabrice s’est soulevé de son fauteuil électrique tout seul pour s’installer dans une chaise derrière une table. ‘Tiens,’ je me suis dit ‘cela offre des perspectives’. J’ai appris qu’il n’est pas totalement paraplégique, mais qu’il peut marcher un tout petit peu. Il veut s’acheter un handbike à assistance électrique, un dispositif qui s’accroche sur un fauteuil roulant manuel et qui comporte un pédalier à manivelle entraînant la roue avant, une batterie et un moteur électrique.
Fabrice m’a également raconté de sa passion pour l’histoire et pour Napoléon III, d’où son souhait de vouloir
faire du vélo sur les traces de l’impératrice Eugénie. Je me suis dit « Et pourquoi ne pas relever le défis…. »
Voyage à Metz et achat d’un handbike
J’avais trouvé sur internet un handbike d’occasion pour un prix raisonnable qui correspondait au descriptif que Fabrice m’avait donné. Ce vélo n’avait toutefois pas d’assistance électrique. Le prix d’un handbike à assistance électrique est celui d’une petite voiture d’occasion.
J’ai transmis l’annonce à Fabrice en lui disant que ce handbike serait bien pour débuter, avant d’acheter une roue motrice et une batterie. Nous pourrions l’électrifier nous même plus tard.
Autre petit bémol : le vendeur se retrouvait à Metz. Comme Fabrice voulait rencontrer le vendeur. J’ai proposé de l’accompagner, et sa conscience écologique oblige, il a tenu à y aller en train et a admirablement préparé le voyage :
- réservation des deux billets de TGV
- rendez-vous avec les services d’assistance aux personnes à mobilité réduite de la SNCF.
La gare de Melun n’étant pas accessible aux fauteuils, un service de taxi nous a emmenés à Combs la Ville pour monter dans le RERD en direction de la Gare du Nord.
Premier grain de sable dans un rouage complexe : alerte au colis abandonné à la Gare du Nord. Le chef de gare de Combs la Ville refusait de nous faire monter à bord du train, ne pouvant pas assurer notre prise en charge à destination.
Nous sommes arrivés à Combs la Ville à 22h53. Le taxi nous attendait.
Ce fut pour moi une journée épuisante mais qui me remplit de satisfaction. De nouvelles perspectives s’ouvraient.
Les premiers tours de bras
Une semaine après notre aventure à Metz, j’avais de nouveau donné rendez-vous à Fabrice pour un premier vrai tour.
Ce qui est bien avec un handbike, c’est que la personne en état d’handicap n’a pas besoin d’enjamber le dispositif pour se mettre en route :
- elle se présente dans son fauteuil roulant,
- Attache le fauteuil au handbike grâce à deux mâchoires
- décolle es petites roues-
- avant du fauteuil du sol à l’aide d’un levier
- et c’est partie
J’ai testé moi-même en faisant quelques allers-retours devant la maison de Fabrice afin de m’assurer que le dispositif ne présente pas de danger avant de se lancer dans la circulation :
- Freinage, il y a un double frein : disque et tambour.
- Propulsion : quand ça monte, ça demande de la force dans les bras, d’où l’intérêt d’une assistance électrique. Mais comme ce handbike est équipé de beaucoup de vitesses, (3 dans le moyeu, 8 sur le pignon et 3 sur le plateau du pédalier), on trouve toujours un bon rapport pour avancer efficacement.
L’accompagnement par un cycliste valide sera nécessaire et les parcours devront privilégier des pistes dédiées sans circulation motorisée.
Participation de Fabrice à sa première balade avec MDB
Le mercredi-soir du 10 Novembre était venu le grand moment pour Fabrice d’essayer son handbike lui-même. Nous avons participé à une balade nocturne dans Melun avec l’association MDB : Cyclistes Brillez. Je suis venu avec mon propre vélo, un gilet jaune fluo à draper sur le dossier du fauteuil, un casque à vélo et une lampe frontale pour Fabrice. Nous sommes partis en direction du point de rendez vous à la gare de Melun. Très vite Fabrice a pris en main son handbike. D’abord j’ai tenu avec une seule main le fauteuil, car j’avais peur que Fabrice ne maitrise pas tout de suite la direction et le freinage, mais très vite j’ai senti que je pouvais lui faire confiance et je l’ai lâché. J’ai demandé à Fabrice quelle était sa première impression? ‘C’est l’impression de la liberté’ a répondu Fabrice. Nous étions une dizaine de cyclistes pour accompagner Fabrice sur sa première balade, il a parfois fallu le pousser pour franchir des obstacles ou des côtes, mais c’était sympathique. Melun est une ville avec beaucoup trop de voitures à mon gout et des aménagement cyclables certainement perfectibles, mais du fait d’être en groupe et de parfois bloquer la circulation, nous a permis d’effectuer cette première balade avec Fabrice dans des bonnes conditions de sécurité.
De la gare, nous sommes allés à la mairie et ensuite à la place Jaques Amyot pour aller sur une terrasse afin de finir la soirée autour d’un verre et de trinquer sur l’intégration réussie de Fabrice dans notre association de cyclistes.
