Interviews

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Dossier interviews sur le stationnement

Par Abel GUGGENHEIM et Laurent LOPEZ

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Entrée de l’îlot aux vélos à Neuilly-Plaisance

Pour le vélo comme pour la voiture, la possibilité de disposer d’une place de stationnement est un critère essentiel favorisant ou non l’utilisation de chaque type de véhicule. C’est vrai en particulier au domicile, au lieu de travail ou d’études, mais aussi dans tous les endroits où l’on se rend pour les loisirs, le commerce, etc.

De même, le stationnement des vélos aux stations de transport en commun est un puissant encouragement à l’utilisation combinée du vélo et du transport collectif, seule susceptible de rivaliser, dans des conditions favorables pour la collectivité, avec l’automobile.

C’est pourquoi le MDB incite depuis longtemps particuliers, institutions, organismes et collectivités locales à favoriser le stationnement des vélos. Il a ainsi pris plusieurs initiatives pour faire disparaître les obstacles qui s’opposent au stationnement des bicyclettes dans les copropriétés. Il a encouragé la RATP à concevoir et construire ses « Îlots Vélos », dont le premier a été ouvert récemment à Neuilly-Plaisance, et accueilli favorablement l’initiative du Club des Villes Cyclables de consacrer sa journée d’études 2002 au thème du stationnement des vélos. C’est aussi dans ce cadre qu’il a lancé le projet des « Assises du stationnement des vélos à Paris ».

Le MDB a appelé à manifester contre l’amnistie des contraventions pour stationnement interdit et/ou impayé (des voitures) en juillet 2002. Car l’organisation urbaine forme un tout : l’utilisateur de l’Îlot Vélos de Neuilly-Plaisance paie un abonnement pour pouvoir laisser son vélo à la gare, puis il paie son titre de transport dans le RER. Encourager l’automobiliste à ne pas payer son stationnement, ou à ne pas acquitter l’amende qu’il aura méritée pour avoir stationné, par exemple, sur une piste cyclable ou devant un arrêt d’autobus, ce n’est pas seulement favoriser l’incivisme, c’est aussi fausser, au bénéfice de l’automobile, les conditions de la concurrence entre modes de transport.

INTERVIEW de JEAN-CLAUDE BERARDO (cliquez sur le lien)

Berardo.jpgJean-Claude Berardo, chargé de mission Vélo à la RATP, a suivi de près la construction et la mise en service de l’Îlot Vélos. Il témoigne de la nouvelle politique en matière de stationnement vélos qui prévaut à la Régie.

INTERVIEW de VERONIQUE MICHAUD (cliquez sur le lien)

Michaud.jpgVéronique Michaud, secrétaire générale du Club des villes cyclables, n’est pas femme à décréter « Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais. » Le vélo fait partie de sa vie professionnelle, puisque au sein du Club elle contribue à faire avancer la cause de ce moyen de transport, mais il fait aussi partie de sa vie personnelle. Habitant Le Perreux, elle rallie chaque matin la gare RER de Neuilly-Plaisance et est aujourd’hui la première abonnée de L’Îlot Vélo de la RATP.

INTERVIEW de PIERRE ROUSSELET (cliquez sur le lien)

Le stationnement des bicyclettes chez les particuliers est certainement le dossier-clé des prochaines années pour la réussite de la politique vélo parisienne. Qui freine, qui sont ceux qu’un vélo dans une cour dérange ? Les propriétaires, les syndics ? Pour tenter de répondre à cette question, Roue Libre a rencontré Pierre Rousselet, président du Conseil Supérieur de l’Administration de Biens, qui regroupe 535 entreprises d’administration de biens en France, les trois quarts étant situées en Île-de-France.

INTERVIEW de JEAN-CLAUDE BERARDO

Depuis quelques années, il y a de très bons contacts entre les associations cyclistes et la RATP. Le cheval de bataille le plus récent de la RATP semble être le stationnement des vélos aux abords des gares RATP de la banlieue parisienne. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Jean-Claude Berardo : Notre politique d’intermodalité vélo/transports publics nous a amenés à développer depuis 1996 des parcs de stationnement vélos à proximité des gares du RER et des stations de métro en périphérie de Paris. Après avoir équipé la quasi-totalité de ces gares et stations de modules de douze arceaux, on s’est posé la question : faut-il proposer un service supplémentaire, donner une qualité différente à ces espaces? La réponse a été oui, même si ces derniers sont déjà une offre de service gratuit, puisque ces espaces sont situés à moins de 50 mètres de l’entrée des gares, dans des lieux de passage, avec un système sécurisé et abrité mais non gardienné. Donc, tout naturellement, on a élaboré un lieu fermé avec une qualité différente de service qu’on a appelé Îlot Vélos. C’est un espace privilégié qu’on a imaginé comme une île, un havre de paix, loin du bruit de la ville, où l’on peut trouver des renseignements sur les pistes cyclables locales et qui a surtout deux objectifs principaux : le gardiennage et la location de vélos.

Comment est née l’idée de créer cet Îlot Vélos à la Régie ?

Jean-Claude Berardo : Très simplement. C’est dans la logique « transport » actuelle de créer des lieux de service tout en assurant une continuité dans la chaîne des déplacements. Nous avons voulu offrir de nouveaux services aux voyageurs cyclistes. Ces derniers peuvent non seulement remiser leurs vélos en toute sécurité, mais en plus les faire réparer sur place. La RATP n’est pas exclusivement un transporteur de voyageurs, elle ne crée pas que du déplacement, elle crée aussi du service. Et à ce titre-là, nous tenions à assumer pleinement nos responsabilités. Je vous rappelle un des slogans de la Régie : « La RATP aime le vélo parce qu’elle aime la ville qui va avec. » Ce n’est pas juste un slogan, en tant qu’acteur urbain, nous essayons d’apporter notre pierre à l’édifice et nous participons à l’effort entrepris de redistribution de l’espace public.

N’est-ce pas le succès des premiers parcs de stationnement de la RATP qui a favorisé l’élaboration du concept d’Îlot Vélos ?

Jean-Claude Berardo : Si, bien sûr, vu la fréquentation des petits parcs non gardiennés, on a souhaité développer ce nouveau service. Et puis, nous avons voulu voir si le Francilien était prêt à franchir le pas de l’intermodalité, c’est-à-dire s’il était prêt à utiliser son vélo de son domicile à la gare pour prendre le RER. Et dans peu de temps, il pourra peut-être, si l’expérimentation se révèle concluante, avoir un deuxième vélo dans un autre Îlot Vélos qui aura vu le jour à Paris ou dans d’autres gares RER de banlieue. Dans les prochaines années, nous allons travailler sur les PDE – plan de déplacement d’entreprise – pour essayer de voir comment on pourra proposer aux entreprises des flottes de vélos.

Notre objectif, là encore, est de créer une chaîne de déplacements qui conjuguera vélo et transports publics.

Ne craignez-vous pas que le succès de cet Îlot Vélos puis des suivants ne vienne concurrencer le réseau bus de banlieue ?

Jean-Claude Berardo : Cette concurrence a toujours été évoquée par les professionnels du transport routier de voyageurs qui redoutent l’abandon du bus, de l’autocar au profit du vélo. Mais c’est un faux problème, toutes les expériences à l’étranger prouvent que lorsque l’on crée des systèmes favorisant le vélo, même s’il y a une baisse passagère de la fréquentation des bus, il y a un rééquilibrage rapide lié à la fluidification du trafic puisque certains automobilistes abandonnent leur voiture, se rabattent sur le vélo pour faire des trajets porte à porte. Le réseau bus retrouve donc toute son attractivité, et la ville y gagne en qualité de vie.

Un Îlot Vélos, c’est un investissement lourd, la RATP vise-t-elle un équilibre financier d’exploitation ?

Jean-Claude Berardo : L’investissement de construction est en partie couvert par les subventions données par le PREDIT [Programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres, N.D.L.R.], la Région Île-de-France. Les choses sont plus compliquées lorsqu’il s’agit des coûts de fonctionnement. Nous sommes dans une phase d’expérimentation pour voir comment atteindre le petit équilibre financier après avoir lancé une activité complètement inconnue des Franciliens. Certains journaux nous ont critiqués en disant : « L’Îlot Vélos est vide. » C’est idiot, il faut bien démarrer l’activité, et nous avons les mêmes préoccupations que tout commerçant qui ouvre une affaire. Actuellement, les taux d’occupation sont meilleurs que nos prévisions, c’est encourageant. Nous avons voulu que l’Îlot Vélos offre une large plage horaire d’ouverture, quatorze heures en semaine, pour coller le plus possible aux horaires de fonctionnement du réseau lourd de transport public, et ça coûte cher. Mais sachez qu’il y a déjà plein d’Îlots Vélos en projet. Le deuxième est en construction à Antony. D’autres sont pressentis dans l’est parisien et dans le département des Hauts-de-Seine.

La RATP est très forte en matière de communication, pourtant on n’a pas le sentiment qu’une grande campagne d’information ait été faite pour l’ouverture de l’Îlot Vélos de Neuilly-Plaisance.

Jean-Claude Berardo : Si, la communication a été travaillée dans les règles de l’art. On a eu beaucoup de retombées dans la presse. Nous avons procédé à un affichage massif pendant une semaine sur le réseau RER au mois d’avril, on recommencera en juin. L’hebdomadaire À nous Paris (400 000 exemplaires), distribué gratuitement sur tout le réseau parisien, a présenté une double page sur le concept de l’Îlot Vélos. La communication interne n’a pas été oubliée, le journal interne de la RATP, Entre les lignes, distribué à 40 000 exemplaires aux agents de l’entreprise, a fait de la publicité pour l’Îlot Vélos. Des télévisions étrangères ont fait des reportages, bref, la pompe est amorcée.

INTERVIEW : VERONIQUE MICHAUD

Récemment, la Journée technique du Club des villes cyclables a été consacrée au stationnement des vélos, qu’en est-il ressorti ?

Véronique Michaud : Le thème du stationnement avait déjà été abordé au Club, plutôt sous l’angle de la sécurité, il avait donc été beaucoup question du vol des vélos. Là, on a parlé du stationnement en général, vélos, voitures, etc. On sait que la maîtrise du stationnement voitures est le principal levier d’une politique de déplacement et qu’en outre, il y a des ressemblances entre une politique de stationnement voitures et celle destinée aux vélos. Quand il y a une offre de stationnement voitures, il y a des flux voitures vers le centre-ville, idem pour les bicyclettes. Si l’on veut faire de la place aux vélos, il faut déjà prendre de la place à la voiture en termes de circulation et de stationnement. En limitant le nombre de places de stationnement voitures, on limite le flux entrant des voitures dans les centres-villes. Lors de la journée technique, on a voulu partir de ce postulat.

Autre point phare de cette rencontre, le stationnement des vélos dans les lieux d’habitation. Jusqu’à présent, la question avait été un peu esquivée car beaucoup d’acteurs locaux – élus, techniciens – considéraient qu’ils n’y pouvaient pas grand-chose. Le Club s’était contenté de relayer la politique de l’ANAH (Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat) qui peut financer l’aménagement de locaux pour le stationnement des vélos dans les logements d’habitation. Mais l’ANAH n’avait pas beaucoup de demandes de villes ou de bailleurs, donc lors de la journée technique, nous avons fait venir des architectes, des bailleurs sociaux et des représentants de l’ANAH pour étudier des cas concrets. Mais nous n’avons pas épuisé le sujet, qui est vaste et complexe.

Croyez-vous que l’on puisse rapidement trouver des solutions quant au stationnement des vélos dans le bâti ancien, je pense notamment à Paris ?

Véronique Michaud : Les solutions ne sont pas faciles à trouver car la volonté de beaucoup d’acteurs est en jeu. Il faut que l’on continue un travail de sensibilisation des architectes, des organisations professionnelles de bailleurs, des aménageurs. Pour l’habitat existant, il y a toujours de bonnes raisons pour admettre que le stationnement des vélos, c’est bien et pour dire que c’est pratiquement impossible. Sur les lieux d’habitation, le vélo est en concurrence avec plein d’autres choses : le tri sélectif des ordures ménagères, des places de stationnement de voitures, etc.

Avec Denis Baupin, adjoint au maire chargé des transports, de la circulation, du stationnement et de la voirie, le MDB a évoqué la possible tenue d’assises du stationnement vélos à Paris. Que pensez-vous d’une telle initiative si elle voyait le jour ?

Véronique Michaud : C’est une bonne idée, car cela permettrait de faire le travail de sensibilisation que j’évoquais et qui a été esquissé lors de la journée technique du 14 mars. À l’occasion de telles assises, on peut avoir autour de la table toutes les personnes concernées auprès desquelles il faut faire passer la « culture » vélo. Si on pouvait faire comprendre aux agents immobiliers que spécifier la présence d’un parking à vélos dans un immeuble représente une valeur ajoutée lors de la vente d’un appartement, ce serait déjà une grande avancée.

Vous êtes la première cliente du grand parking vélos qui a été installé par la RATP à Neuilly-Plaisance, l’Îlot Vélos. Racontez-nous ce qui a motivé votre démarche.

Véronique Michaud : J’allais déjà à vélo prendre le RER à la station Neuilly-Plaisance. Ne faisant pas partie des clients cyclistes de la RATP les plus matinaux, je trouvais les arceaux du parking vélos occupés. Avoir un lieu, au droit de la station RER, où on peut garer son vélo sans difficulté, c’est important. Avant, je perdais du temps à tourner autour de la gare pour trouver une place. Aujourd’hui, j’ai l’esprit libre, ce parking me facilite la vie parce qu’il est au plus près, que c’est un aménagement de qualité, que l’accueil est agréable. La présence humaine est très appréciable. De plus, si pour une raison ou une autre je ne récupère pas mon vélo un soir, je sais qu’il est en sécurité et que je le retrouverai le lendemain.

Tout risque de vol est exclu ?

Véronique Michaud : Oui, à tel point que je laisse même mon imperméable sécher le matin sur mon vélo et je le retrouve le soir. Quand il y aura 200 vélos, il faudra peut-être plus de vigilance, mais pour le moment, il n’y a aucun problème de vol. Mais j’apprécie par-dessus tout la qualité du lieu. On ne paye pas seulement pour la sécurité, ce parking est bien visible, haut de plafond, lumineux. Et ça participe de la démonstration que l’équation vélo plus transports publics a du sens, que c’est crédible. Le vélo et le RER apparaissent, grâce à l’Îlot Vélos, comme deux services intégrés.

Il y a vraiment un avenir pour le rabattement des vélos autour des gares RER et SNCF en Île-de-France ?

Véronique Michaud : Oui, j’en suis convaincue. Ce type de parking agrandit la zone de chalandise d’une gare SNCF ou RER. Le bus ne va jamais chercher les gens au pied de chez eux. Le vélo permet de ne pas faire le même trajet le matin et le soir. Par exemple, on peut déposer un enfant à l’école le matin, comme je le fais, et rentrer directement le soir. Beaucoup de gens ignorent encore tous les avantages que représente le déplacement à vélo. La communication autour d’un projet d’Îlot Vélos amènera de plus en plus de Franciliens à utiliser ce mode de déplacement. J’essaie de convaincre les gens en leur disant que mes vingt minutes de vélo quotidiennes pour aller à la gare RER et en revenir, c’est ma façon de faire du sport. Quand en plus on dispose d’un parking comme l’Îlot Vélos à l’arrivée, c’est le bonheur.

Le Club des villes cyclables loue des locaux dans un immeuble du IXe arrondissement qui dispose d’une grande cour intérieure, mais pas encore d’un parking à vélos. Vous espérez en obtenir un ?

Véronique Michaud : Oui, on doit en obtenir un. Il va falloir convaincre le propriétaire mais c’est indispensable parce qu’il y a quelques vélos qui stationnent dans la cour.

INTERVIEW : PIERRE ROUSSELET

Pourquoi, selon vous, dans un certain nombre de copropriétés, continue-t-on à interdire le stationnement des vélos dans les cours, y compris quand celles-ci sont vastes ?

Pierre Rousselet : Je ne pense pas qu’il y ait d’interdiction réelle de stationnement des vélos dans les cours même vastes, mais il faut, pour des raisons d’assurance, des raisons de responsabilité, qu’une décision soit prise par l’assemblée générale de la copropriété. Cette instance est souveraine pour décider ou pas d’autoriser le remisage des vélos dans les cours. D’autre part, pour que l’usage d’un vélo soit agréable, il faut que celui-ci ne prenne pas la pluie, cela implique donc la construction d’abris à vélos. Et là, on rencontre un certain nombre de difficultés. D’abord, l’espace est limité. Dans notre beau patrimoine parisien, très largement haussmannien, les cours intérieures sont petites. Dans ces dernières, il faut loger les bacs à ordures et, pour le tri sélectif, il en faut plusieurs, de couleurs différentes, ce qui pose des problèmes de place. Second problème, il faut que les parents puissent laisser leur voiture d’enfant et cela paraît tout à fait légitime. L’espace est réduit, la décision incombe à l’assemblée générale de copropriété au moment de faire des choix. Soit l’espace est réduit mais disponible, soit il est réduit et il y a un droit de préemption dessus.

Dans le cas du tri sélectif, la réglementation municipale, qui est ce qu’elle est, équivaut à un droit de préemption de l’espace disponible.

Certains cyclistes se retrouvent face à des situations un peu dramatiques ; pneus crevés, selle lacérée, tout ça pour avoir stationné leur bicyclette dans une cour d’immeuble interdite aux vélos. Que conseillez-vous aux uns et aux autres ? N’y a-t-il pas moyen, tout de même, de trouver un terrain d’entente ?

Pierre Rousselet : Si, sûrement, mais je ne conseille rien au copropriétaire car il est souverain et chaque année, il vote pour les motions qui lui sont présentées. En revanche je recommanderais à vos adhérents, quand ils ont un problème comme celui-là, d’aller rencontrer le président du conseil syndical de la copropriété et de voir avec lui s’il y a majoritairement une résistance ou une position favorable au stationnement des vélos dans la cour. Ensuite, il faut faire voter en assemblée générale l’autorisation des vélos ou pas dans la cour.

Vous évoquiez la préemption d’espace dans les copropriétés pour le tri sélectif. Verriez-vous d’un mauvais œil une telle mesure, si d’aventure elle était prise par la Mairie, pour favoriser le stationnement des vélos dans les cours ?

Pierre Rousselet : Je crois qu’il ne faut pas demander aux gens ce qu’ils ne peuvent pas donner. La mairie a, d’elle-même, imposé le tri sélectif, elle a donc pris une option sur l’espace disponible, c’est pourquoi je parle de préemption. Elle nous dit : vous devez avoir un, deux, trois, quatre bacs. Si demain, la mairie décide qu’il faut des abris à vélos dans les cours d’immeubles, ce sera son choix. Je ne pense pas qu’elle le fasse parce que ce serait excessif, car on ne peut pas disposer d’un espace qui ne vous appartient pas. Mais admettons qu’elle oblige les copropriétés à autoriser le stationnement des vélos dans les cours, encore faudrait-il qu’elle précise dans quelle proportion. Si un seul copropriétaire utilise un vélo dans un immeuble de cent lots, on ne va pas construire un abri à vélos pour un vélo. La mairie aurait-elle le droit d’édicter ce genre de règlement ? Je ne le pense pas, elle ne peut pas obliger que des espaces communs, qui ne lui appartiennent donc pas, soient affectés au stationnement des vélos. Le vélo est un moyen de transport convivial, donc de grâce, n’inventons pas des réglementations supplémentaires, essayons plutôt d’avoir une démarche conviviale, pour que les intérêts des uns et ceux des autres soient librement compris et consentis.

Vos adhérents ont-ils pris toute la mesure des transformations qui interviennent dans Paris et en région en terme de redistribution de l’espace public au profit des modes de transport alternatifs à la voiture particulière ?

Pierre Rousselet : Mes adhérents sont des hommes de terrain, comme on dit aujourd’hui, ce sont des gens de la France d’en bas puisqu’ils sont élus tous les ans en assemblée générale de copropriété par les citoyens. Ils sont en proie à des réglementations dont certaines sont contradictoires. De plus, les unes sont réelles, d’autres sont supposées. Parmi les réglementations réelles, il y a le tri sélectif, les injonctions de ravalement, la lutte contre l’amiante, contre les termites. Parmi les réglementations supposées, il y a celle, par exemple, qui concerne les antennes de téléphones portables. Dans ce contexte, vous me parlez du « new deal » du partage de l’espace urbain en faveur du vélo, cela pourrait être au profit du roller, au profit de la trottinette, au profit de la moto, etc. Mais j’en prends acte.

Cela étant, que l’on prenne en compte les vélos ou pas, dans les copropriétés, pardonnez-moi de vous dire ça, c’est secondaire. Encore une fois, le problème doit être réglé en assemblée générale de copropriété. Si dans un immeuble, sur vingt-cinq appartements, vous avez vingt propriétaires de vélos, il est clair que le stationnement des vélos sera autorisé. S’il y avait vingt propriétaires de motos, on autoriserait le stationnement des motos et s’il y avait vingt jeunes couples avec des enfants en bas âge, on autoriserait le stationnement des voitures à pédales et des poussettes. Il ne faut pas se lancer dans une réglementation à caractère général et impérative pour tous, a fortiori si ça ne correspond à rien. Je crois beaucoup à la liberté contractuelle, c’est-à-dire que, quand il y a une situation de fait dans immeuble, il est souhaitable qu’elle soit, par contrat, et non par réglementation autoritaire, inscrite dans les faits. Le syndic doit faire passer dans les décisions qui sont prises en assemblée générale ce qui relève de l’intérêt général et ce n’est pas facile, croyez-moi. L’intérêt général, dans un certain nombre de cas, ce sera le vélo, dans d’autres cas, ce sera la moto, le roller, la trottinette. Que sais-je encore ? Il faut coller à la réalité.

L’intérêt général, n’est-ce pas aussi de reconnaître que Paris s’est engagé depuis 1996 en faveur d’un nouveau partage de la voirie, notamment au profit des vélos ? En informez-vous assez vos adhérents ?

Pierre Rousselet : Nos adhérents sont parfaitement informés de tout, en effet, nous diffusons une circulaire par jour, d’autre part, cet entretien paraîtra dans notre revue de presse donc ils en auront tous connaissance. Soyons clairs, les syndics collent à la demande de la copropriété, sans cela, ils ne seraient pas réélus et perdraient des immeubles, ils n’ont qu’un rôle d’impulsion, de présentation et d’exécution des décisions. Je ne suis pas un spécialiste du vélo puisque j’utilise les transports en commun, mais je ne suis pas aussi persuadé que vous du choix clair, net et précis qui a été fait en faveur d’une ré-appropriation de l’espace urbain parisien par le vélo. Prenons le cas des tandems taxis. Cette expérience a vu le jour, il y a un an, aujourd’hui, je n’en vois plus un seul. Donc ça n’a pas marché. Imaginez un chauffeur de tandem taxi, copropriétaire dans un immeuble parisien, il serait encore plus légitime pour lui qu’il puisse stationner son outil de travail
chez lui.

Jusqu’à preuve du contraire, depuis le lancement du plan vélo de Jean Tiberi, il y a des vélos qui circulent donc leurs propriétaires trouvent bien un endroit pour les garer, même s’il y a peu d’abris à vélos dans les copropriétés parisiennes. Où ? Ça, je n’en sais rien.

D’après vous, l’aspect financier freine-t-il le développement des parkings à vélos dans les copropriétés, et l’ANAH (Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat) pourrait-elle jouer un rôle décisif en la matière ?

Pierre Rousselet : Je ne suis pas sûr que l’ANAH subventionne ce genre de chose. En revanche, la construction d’un abri à vélos de qualité représente un coût qui est supporté par la totalité de la copropriété. Aujourd’hui, les copropriétaires sont-ils prêts à payer cette dépense que j’ai du mal à évaluer ? Je ne sais pas. Ils sont déjà beaucoup sollicités pour tout ce qui est obligatoire ; les campagnes de ravalement, les dégâts de la tempête de 1999, et surtout la lutte contre le saturnisme qui implique le remplacement de canalisations d’eau en plomb. Je crains que le stationnement des vélos ne figure pas parmi les priorités des copropriétaires.

Des aides de la Mairie pourraient-elles pas faire avancer le dossier ?

Pierre Rousselet : Je ne sais pas. Il ne faut pas demander aux pouvoirs publics d’intervenir financièrement sans arrêt. Quand les gens font le choix de se déplacer en voiture, ils le font en connaissance de cause. Ça leur coûte cher, il y a l’entretien, les P.V., etc. Si le vélo apparaît comme un mode de transport concurrent et massif, à ce moment-là, le choix individuel que font nos concitoyens doit être assumé individuellement. Imaginons que tous les automobilistes réclament aussi le droit de stationner leur véhicule dans les copropriétés qu’ils habitent, je vous laisse imaginer le résultat. Il faut que la libre concurrence agisse sans pénaliser les uns ou les autres. Néanmoins, je trouverais tout à fait normal que les Parisiens ne possédant pas de voiture bénéficient de réductions d’impôts locaux. Avant de s’intéresser au patrimoine privé, la mairie de Paris devrait mettre en place des espaces publics pour garer les vélos, pour le moment, j’en vois peu. Il faut toujours commencer par balayer devant sa porte. Si je vois demain de nombreux parkings à vélos sécurisés et abrités, je me dirai : « Tiens, un choix a été fait, un phénomène se développe, il faut en tirer les conséquences au niveau de l’habitat individuel. » Pour l’instant, j’ai l’impression que la priorité donnée aux vélos est affichée dans de beaux discours, mais je n’en vois pas la traduction dans la réalité.

La mairie, sous l’impulsion du MDB, envisage d’organiser des assises du stationnement vélo à Paris, y participeriez-vous ?
Pierre Rousselet : Oui, nous serons en selle !

Vos bureaux sont situés rue de Washington, dans un bel immeuble où il y a une grande cour. Pourtant, il n’y a aucun vélo. Est-ce par manque d’utilisateurs ou la cour est-elle interdite au stationnement des vélos ?
Pierre Rousselet : Voilà un bon exemple. En effet, ici, il y a une belle cour, mais l’immeuble est presque entièrement vide pour des raisons juridiques. Bien qu’il y ait des garages pour voitures, je n’ai pas le droit d’y garer la mienne quand je l’utilise pour venir travailler, ce qui m’arrive deux fois par an. Les propriétaires me l’interdisent et comme ce sont les propriétaires, ils font ce qu’ils veulent. Mais rares sont les immeubles qui disposent d’une cour aussi grande.

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