Pour l’auteur de ces lignes, retenu à Paris par des obligations professionnelles, cette semaine commence par une mini étape en solitaire pour rejoindre les quatre cyclistes partis trois jours plus tôt. Une fois installé dans le dernier train de la soirée pour limoges, on est déjà en randonnée. Il est près de minuit et Limoges est déserte. Peu de temps pour admirer la majestueuse gare car il faut profiter du peu de nuit qui reste dans un hôtel avoisinant avant de reprendre le train à 5h30. Une heure plus tard, Eymoutiers est déjà éveillée, pain frais et croissant à la boulangerie et déjà des discussions animées entre travailleurs matinaux au café en face. Les 25 km à parcourir pour rejoindre Faux-la-Montagne prendront un peu plus de temps que prévu car la route n’arrête pas de monter, mais la jonction avec les autres se fera avant la fin de leur petit-déjeuner. C’est parti pour la traversée du plateau de Millevaches, par un temps de saison. Aucune circulation ou presque sur les petites routes rurales dont on croirait qu’elles ont été faites exprès pour le plaisir des cyclistes. On est bien loin de Paris. En peu de temps on franchit plusieurs rivières aux noms connus, la Vienne, la Vézère, la Corrèze, qui ne sont à ce stade que de gros ruisseaux. Au cœur des Millevaches, Bugeat lutte contre la baisse de son activité économique pourtant évidente. La voie ferrée Limoges-Ussel a été refaite à cet endroit et la gare est en cours de restauration. Au sud de Bugeat le relief devient plus vallonné. Vaine recherche d’un café ouvert pour manger à l’abri des gouttes de pluie, c’est l’église de Murat qui nous accueillera pour le pique-nique. Puis c’est la montée vers le massif des Monédières. Après quelques averses plus prononcées, le temps s’éclaircit et nous jouissons d’une visibilité étendue à la table d’orientation du Suc-au-May, pour peu de temps car il faut rejoindre le gîte avant la tombée de la nuit, lequel est parfaitement isolé dans un vallon au bout d’une route en impasse. Accueil chaleureux à la ferme du Tréphy, avec une table d’hôtes bien garnie et un bon feu de cheminée.
Les jours ne se ressemblant pas, nous sommes réveillés par un soleil magnifique qui nous accompagnera tout au long de la journée sur les si plaisantes routes rurales de la Corrèze. Après une agréable pause pique-nique le groupe se sépare en trois, certains choisissant un audacieux détour par les gorges de la Vézère. Bon choix pour ceux qui aiment le relief vallonné. Après quelques frayeurs dans un dédale de chemins ruraux sans signalisation et non signalés sur la carte, on est récompensé par le spectacle sur la plaine de Brive au débouché des gorges, au moment où le soleil se couche. Il ne reste plus que quelques kilomètres à parcourir à la lueur des phares pour arriver à une nouvelle étape bien différente des précédentes, car cette fois c’est d’un étonnant hôtel de charme qu’il s’agit, à la base un hôtel de campagne quelconque resté en l’état depuis les années 1930, que les nouveaux propriétaires viennent de rénover avec beaucoup de goût sans rien toucher de l’existant, mais en lui donnant une exquise ambiance antillaise. Nous sommes ce soir là les seuls clients, dans les chambres et à table. Souhaitons leur le succès, en espérant que cela ne retentira pas négativement sur la qualité de l’accueil.
Le soleil est toujours au rendez-vous le lendemain, mais tout est franchement gelé à l’heure du départ, ce qui par bonheur ne durera pas. En roulant, on ressent fortement l’urbanisation rampante de la plaine de Brive. La ville médiévale de Donzenac a bien pâti à une époque de sa situation sur un axe routier à proximité de la grande ville et les édiles ont bien du mal aujourd’hui à faire oublier les maladresses urbanistiques qui ont affecté le centre ancien à cette époque de paupérisation du cadre de vie. A Brive, le groupe double de taille avec les nouveaux arrivants qui nous ont rejoint ce matin par le train de Paris. Les discussions en route et au pique-nique sont plus animées et la vitesse moyenne s’en ressent, surtout que le profil très haché de la route en flanc de vallée de la rivière Corrèze éprouve ceux qui ne sont pas aguerris, de même que la longue montée pour arriver à Aubazine. Il est déjà tard quand nous décidons de gravir quand même le Puy de Pauillac, et même de nous y attarder car la visibilité est vraiment étendue et on distingue très nettement au loin les monts du Cantal, le massif du Sancy et la Chaîne des Puys. C’est entendu, on finira l’étape par une bonne heure de route de nuit, dont une quinzaine de kilomètres de descente bien grisante. Accueil chaleureux au gîte de St-Chamant, même si le partage de la réserve d’eau chaude posera des problèmes aux moins prompts à prendre leur douche.
Toujours du soleil le lendemain pour aborder la vallée de la Dordogne. A Argentat, le port fluvial construit vers 1850 en anticipation de la canalisation de la rivière Dordogne (qui ne se fera jamais) semble avoir été fait exprès pour que les touristes viennent flâner sur les quais dépourvus de bateaux. En amont d’Argentat, les aménagements hydroélectriques du 20ème siècle ont profondément changé le paysage de la vallée, même si le parcours n’est pas désagréable à l’œil. Nous nous extirpons de la vallée depuis le barrage du Chastang pour aborder la Xaintrie, une région en altitude, isolée par les profondes vallées des rivières avoisinantes (Dordogne, Cère, Maronne) aux confins du Limousin du Quercy et de l’Auvergne. Un groupe de cyclistes avide de kilomètres décide d’aller voir de plus près les Monts du Cantal et arriveront quand même les premiers au regroupement prévu aux Tours de Merle, étonnante cité militaire médiévale au fond de la vallée de la Maronne. Encore cette fois il faudra finir l’étape de nuit, ce qui est bien dommage étant donné la qualité des paysages traversés. Le gîte de Mialaret sera atteint avec quelques difficultés d’orientation et il faudra reprendre la route dans la nuit à la recherche d’un participant égaré. Le gîte est avant tout une étape pour randonneurs équestres, et le gérant aura quelques frayeurs en constatant l’appétit féroce des convives : très clairement, les cyclistes comme les chevaux ont besoin de carburant pour avancer.
Le soleil ne faiblit pas le lendemain au départ et pendant la fin de la traversée de la Xaintrie, mais la vallée de la Dordogne est envahie par le brouillard et le restera. Il fait froid et humide au fond de la vallée, et nous pique-niquerons au chaud dans un café à Bretenoux. Cette ville et sa voisine Biars de l’autre coté de la rivière présentent un mélange d’architecture ancienne traditionnelle et de zones industrielles dont les gigantesques usines de confitures d’une marque bien connue. Le soleil reparaît alors que nous escaladons le causse du Quercy. Le paysage a complètement changé du simple fait de traverser la vallée. En dépit de l’heure tardive, nous descendrons visiter le gouffre de Padirac, et finirons la route de nuit, pour une arrivée encore plus tardive à Gramat. Après un dernier repas tous ensemble au restaurant et une dernière nuit en gîte, le groupe se scindera en plusieurs sous-groupes à cause des difficultés rencontrées dans la réservation des trains (il faut s’y prendre à l’avance quand on veut rentrer le dernier jour d’un week-end de Toussaint !). Pour ma part, je partirai seul tôt le matin pour prendre vers midi le train du retour à Souillac, en regrettant de ne pas avoir pu admirer au passage le site de Rocamadour, complètement noyé dans le brouillard.