du 1er au 4 juillet : masse critique universelle à Paris

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Imaginez ce que devient la rue lorsque les cyclistes deviennent suffisamment nombreux pour imposer leur rythme à la circulation motorisée…

Pour cela il faut qu’une masse critique soit atteinte.

À l’appel du collectif Velorution, des cyclistes du monde entier se donneront rendez-vous dans la capitale française pour célébrer la joie de vivre à vélo, et le plaisir de circuler sans contrainte.

À lire : un article sur Wikipedia


Article paru dans Roue Libre n° 115

Qu’est-ce qu’une masse critique ?

Rassurez-vous, il ne s’agit pas de fabriquer une bombe. Cette métaphore nucléaire est employée dans le domaine cycliste pour figurer un phénomène par lequel, à partir d’une certaine densité de vélos dans la ville ce sont eux qui déterminent le mouvement général de la circulation, les automobiles devant alors s’adapter au rythme de la propulsion musculaire.

Une telle situation n’existe plus à l’état naturel de nos jours, et pour l’expérimenter il faut la créer artificiellement. Y compris dans les pays tels que la Chine où les déplacements motorisés ont pris le dessus dans des métropoles surpeuplées d’où les voyageurs rapportaient il n’y a si longtemps des images de rues vouées aux cyclistes.

Masse critique, Budapest (2006)Les automobiles tirent de leur puissance une telle supériorité dans l’occupation de l’espace que le seuil de masse critique est pour elles imperceptible. Il suffit de songer que la puissance maximum que peut fournir un individu adulte en bonne santé est d’à peine 0,25 kW et encore seulement pour une courte durée alors que les autos les plus courantes sont capables d’une centaine de kW. Certes une telle auto est faite pour emporter cinq passagers, mais le conducteur même seul à bord dispose de toute cette puissance. Dès lors, un petit nombre d’humains en auto aura tôt fait de balayer tous les autres usagers de la chaussée et imposer sa loi si aucun aménagement de voirie ne vient tempérer cette suprématie.

Chacun sait que l’automobile n’est pas utilisée seulement comme un moyen de transport, mais aussi comme une manifestation de puissance et comme symbole social. Comment les cyclistes, qui sont après tout des êtres humains comme les autres, peuvent-ils exprimer leur fierté ? Tout simplement en se regroupant pour former une masse critique. La forme est le plus généralement rencontrée à travers le monde celle d’une réunion à la fin de la journée de travail le dernier vendredi de chaque mois, mais des variantes existent selon les particularismes locaux, pouvant aller jusqu’à un rythme de 2 fois par an comme à Budapest. Le terme paraît être né de l’observation des cyclistes en Chine à la traversée des intersections démunies de signaux, s’accumulant jusqu’à être assez nombreux pour traverser en sécurité, en masse.

Il n’est pas entièrement étonnant que le phénomène soit né au début des années 1990 dans le pays le plus automobile qui soit : les États-Unis, et plus précisément en Californie à San Francisco, refuge de minorités, foyer de contre-culture et de modes de vie alternatifs refusant matérialisme et autorité. Ce défi à l’autorité est apparu clairement dans le mouvement de San Francisco : en 1997 le nouveau maire et la police tentèrent de réprimer les concentrations mensuelles de cyclistes, ce qui eut pour effet de faire passer en peu de temps le nombre de participants de quelques centaines à quelques milliers.

Le mouvement poursuit son existence depuis bientôt 20 ans et a été assez largement imité à travers le monde. On recense aujourd’hui quelque 300 villes où existe un mouvement actif pouvant être qualifié de masse critique. Avec des fortunes diverses car beaucoup demeurent anecdotiques par leur faible nombre de participants. La clé de la longévité semble à rechercher dans le maintien du principe de non-organisation : pas de mot d’ordre, pas de revendication, pas de confrontation, pas de formalisme, pas de structure directrice, pas de responsabilité collective ni de politique interne. Il y a autant d’objectifs poursuivis que de participants. Chaque individu y vient avec sa propre idée du projet et l’ensemble forme la masse critique. Pas besoin d’autorisation non plus, il ne s’agit pas d’une manifestation, chacun ne fait qu’utiliser sa liberté de circuler, rien de plus. Tout au plus doit-on parler d’une « coïncidence arrangée ». Celle-ci s’établit avec le temps quand le lieu et l’heure deviennent une coutume acceptée collectivement, par le bouche à oreille, par les réseaux sociaux. Enfin, la masse critique n’existe pas en tant qu’entité dans l’intervalle qui sépare deux rassemblements.

Masse critique, Prague (2007)L’authentique participant à une masse critique recherche avant tout le plaisir de ressentir, le temps que dure l’évènement, ce que serait une ville débarrassée de la domination automobile. Cependant, la présence de cyclistes en masse dans la rue donne à ceux-ci une certaine visibilité du grand public et des autorités, souvent perçue comme une activité revendicative en opposition à la culture automobile, voire subversive. Dès lors, le même concept de la masse critique est souvent adopté par des organisations structurées dont les objectifs peuvent s’étendre au-delà de la cause cycliste, vers la mouvance écologiste et altermondialiste, l’activisme anti-voiture, et pratiquant l’action directe plutôt que l’action politique plus classique. On peut citer Reclaim the Streets, né en Angleterre bien avant les premières masses critiques et dont une version française existe au Québec sous le vocable Réclame ta Rue, et Vélorution en France, cette dernière restant très orientée vers la cause des cyclistes.

Si l’expérience vous tente, n’hésitez pas à vous promener dans les rues de Paris cet été du 1er au 4 juillet en recherchant les concentrations de cyclistes, mais rappelez-vous : pas de slogan, pas d’organisation, juste une coïncidence.

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