le casque : utile, indispensable, obligatoire ?

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Le casque

Utile… indispensable… obligatoire ?

Par Xavier CHAVANNE et Pierre TOULOUSE

Ce printemps 2002 un message publicitaire télévisé, commandé par l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé, proclamait que : « A vélo, le casque n’est pas obligatoire, il est simplement indispensable ». Mais du caractère indispensable à l’obligation de port, il n’y a qu’un pas et cela n’a pas échappé aux associations de promotion de la bicyclette.

Existe-t-il vraiment un enjeu de santé publique sur ce sujet ou faut-il y voir un effet « sociologique » lié au déni par une majorité (les automobilistes) de l’existence des minorités, s’exprimant par une envie de réglementer celles-ci (pour mieux éviter peut-être d’évoquer sa propre responsabilité…) ?

Les associations cyclistes (FUBicy, MDB,…) se sont prononcées contre l’obligation du port du casque. Elles ne nient pas que dans certains cas (pour les très jeunes, les sportifs) le casque peut être utile mais son action en général est limitée, au contraire de la ceinture pour les automobilistes. Par contre il peut dissuader certains cyclistes d’utiliser le vélo quotidiennement. En outre le cycliste casqué peut éprouver un sentiment excessif de sécurité et prendre des risques inconsidérés.

Au MDB nous pensons que le casque est surtout une affaire personnelle. Pour que chacun se fasse son opinion, ce dossier présente de la manière la plus objective possible des données relatives à la pratique du vélo et ses risques, ainsi qu’à l’impact du port du casque. Ce genre de données est difficile à obtenir, souvent fragmentaire et même contradictoire. Nous sommes toujours preneurs de données supplémentaires, au moins aussi précises et fiables.

Précisions sur la protection du casque

Les accidents à la tête concernent les fractures du crâne, les dommages internes et faciaux. Le casque est sensé protégé de tout cela, ce qui n’est que partiel pour le visage. En outre il n’est efficace que si les courroies sont correctement serrées (ce qui rend son port contraignant). En aucun cas le casque ne protège des chocs contre le cou, l’épine dorsale et en particulier contre le risque de paralysie (comme la tétraplégie).

La nature des accidents à Paris et en France

Une étude de l’observatoire des déplacements à Paris en 1997 consacrée à la sécurité des cyclistes mettait en évidence :

 Que la gravité des accidents de vélos est inférieure de près de moitié à celle de l’ensemble des accidents (5 blessés graves ou tués pour 100 accidents contre 11 en moyenne).

 Que 30 % des 456 victimes cyclistes étaient blessés à la tête et que la moitié de ces blessures concernaient le crâne, quelle que soit la gravité.

Ces chiffres sont à manier avec précaution tant est délicate la notion de gravité et diverses les échelles pour la qualifier. Ils permettent toutefois de confirmer la faiblesse de l’enjeu.

Dans notre dossier sur la sécurité des cyclistes à Paris nous montrions que sur les 24 cyclistes tués ces dix dernières années le tiers ont été écrasés par des poids lourds et un autre tiers ont été heurtés (en général par l’arrière) par des véhicules circulant rapidement. Dans ces deux cas, le casque n’aurait servi à rien pour sauver les victimes (ou n’a servi à rien puisqu’un des cyclistes tués au moins portait un casque). Dans les autres cas, il est en revanche possible que le casque ait pu sauver ; parmi ces derniers cas, on trouve au moins deux cas d’accidents de type « cyclo-sportif » (chute de cyclistes rapides) et un cas où il est avéré que le cycliste qui poursuivait une voiture est tombé seul à vive allure. Sans que ces éléments puissent avoir une valeur statistique, ils montrent que le casque ne sauve que rarement mais il peut sauver.

En France, sur l’année 2000, environ 35 % des 250 cyclistes tués sont morts à cause d’un choc à la tête.

Impact du port du casque dans les pays anglo-saxons

L’Australie a été le premier pays à rendre obligatoire le port du casque, à partir de 1990, suivie par différents états des États-Unis (20 états en 2001). Par contre les îles Britanniques, dont les habitants ont un comportement proche de ceux des Australiens, ne l’a pas rendu obligatoire. Cette « expérimentation » a donné lieu à des statistiques qui peuvent juger de l’effet du port du casque. Certaines sont disponibles sur l’Internet. Pour ce dossier, trois sources ont été consultées :

Le port du casque a été imposé sous la pression des médecins, qui avaient constaté que les blessures au niveau de la tête représentaient une faible part (10 %) des blessures nécessitant des soins, mais une part importante des admissions à l’hôpital (40 %) et des morts (70 %). Ils constataient aussi que les enfants et les adolescents avaient plus de probabilité d’avoir un accident à vélo, du fait de leurs pratiques souvent à risque et du fait qu’ils étaient nombreux à utiliser le vélo (aux États-Unis en 1975, 68 % des cyclistes tués avaient moins de seize ans).

Dès la première année de la législation australienne, un comptage dans quelques villes comme à Perth (côte ouest) a montré que le nombre de cyclistes avait diminué d’environ 30 %. Ce nombre est revenu peu à peu à son niveau précédent pour le dépasser à partir de 1999 (en 2000, la principale association de Canberra, Pedal Power, comptait plus de 1000 adhérents sur une population de moins de 300 000 habitants). Les Australiens se sont habitués à porter le casque, mais cela n’a pas été sans peine. Au début des années 90 la baisse, constatée aussi bien pour des déplacements utiles que ludiques, a surtout concerné les enfants et adolescents. La campagne pour le port du casque a fait percevoir le vélo comme un moyen de déplacement risqué. Les parents se sont inquiétés pour leurs enfants et, plutôt que de les laisser aller en vélo à l’école, les ont accompagnés en voiture.

Et pourtant l’incidence du port du casque sur le taux d’accidents à la tête est faible : en 1991, 39 % des cyclistes admis dans les hôpitaux de l’état d’Australie de l’Ouest (qui a rendu le casque obligatoire en 1992) ont des blessures au niveau de la tête ; en 1994 ce taux est de 35 %. Sur les trois années précédant l’obligation du port du casque, 767 cyclistes ont été hospitalisés pour une blessure à la tête contre 665 pour les trois années suivantes. Si on tient compte de la réduction du nombre de cyclistes entre ces deux périodes, le nombre d’accidents à la tête n’a pas vraiment diminué, il aurait même tendance à augmenter. Les autres blessures desquelles le casque ne protège pas sont en augmentation encore plus nette. Cette augmentation s’est poursuivie après 1992 : les admissions annuelles, toutes blessures, de cyclistes sont passées de 640 en 1993 à 840 en 1999. Il n’y a pas de données sur l’évolution du nombre de morts durant cette période pour l’Australie de l’Ouest et donc on ignore si ce nombre a suivi la même augmentation (pour information, aux Etats-Unis le nombre de cyclistes tués est passé de 1000 en 1975 à 750 en 1999). Ces données semblent montrer que, si le port du casque a réduit la gravité de certains accidents, il n’a pas empêché l’augmentation de leur nombre. Cette augmentation est très probablement due à celle du trafic automobile dans les années 1980 et 1990, en même temps que le nombre de cyclistes diminuait, tendances observées dans presque tous les pays développés.

Or plus la blessure est grave, plus il y a de chances qu’elle soit due à une collision du cycliste avec un véhicule motorisé (c’est le cas, d’après le site américain, pour 90 % des accidents mortels à la fin des années 1980). Le trafic motorisé semble avoir une influence plus grande que le port du casque sur la sécurité des cyclistes. En Hollande, où le taux de cyclistes accidentés est le plus faible, le port du casque n’est pas obligatoire : les aménagements vélos, nombreux et adaptés, et la part importante des déplacements en vélo protègent plus efficacement que le port du casque.

Au vu de l’expérience australienne, le corps médical britannique a en 1999 recommandé que le port du casque soit conseillé mais pas obligatoire. Une de ses motivations a été de ne pas décourager la pratique d’un mode de déplacement si bénéfique à la santé, en particulier pour les enfants : à cause du manque d’exercice physique, le taux d’obésité des enfants des pays développés est en nette augmentation depuis le début des années 1990, en particulier dans des pays comme les États-Unis et l’Australie. Le danger de faire du vélo est plus supposé que réel, même sans casque : d’après un organisme américain (Failure Analysis Associates), il y a 0,26 mort pour 1 million d’heures de pratique du vélo, c’est-à-dire que l’espérance de vie d’un cycliste “permanent” est de 439 ans. Le même site donne 13 ans pour un motocycliste “permanent”.

Conclusion

Le port du casque a permis de sauver des vies. Il est recommandé de le porter (en particulier pour les enfants et les sportifs) à condition de le mettre correctement. Mais son effet sur la sécurité des cyclistes n’est pas le plus important. Si les pouvoirs publics ont la volonté d’améliorer cette sécurité, plutôt que de rendre le port du casque obligatoire, ils seraient mieux avisés d’augmenter le nombre et la qualité des aménagements cyclables et de promouvoir l’usage du vélo : plus le nombre de cyclistes sera important, mieux ils seront pris en compte sur la route et plus leur (mal)chance d’avoir un accident sera faible. Ils devront agir aussi sur le comportement des automobilistes qui ont certainement un impact plus important sur la sécurité des cyclistes que le port du casque lui-même.

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