n°100 (novembre-décembre 2007)

Pour ce 100ème numéro de “Roue Libre”, j’ai décidé de vous parler d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître… En plongeant dans la collection des vieux numéros de notre revue préférée, j’ai été très souvent surprise : on s’imagine que les choses changent, qu’aujourd’hui est très différent d’hier et dans un sens oui, heureusement les choses changent, et en même
temps elles ne changent pas tant que ça.

Les cyclistes et la police

En 1983 un adhérent MDB se faisait verbaliser pour avoir grillé un feu rouge. Il explique : au nom de la sécurité…, il se positionne devant la meute des voitures pour être vu…, le fondateur du MDB introduit un recours auprès des pouvoirs publics… En 1984 l’adhérent verbalisé obtient gain de cause dans la plaidoirie auprès du commissaire de la République des Hauts-de- Seine, le MDB demande au ministre de l’intérieur de communiquer sur le cas auprès des préfets (RL n° 12, 15): le ministre de l’intérieur a-t-il mangé la commission ou les préfets sont-ils durs d’oreille ? En 2007, Marie-Claire, qui a choisi de se battre pour la même infraction, témoigne (voir « Une histoire de justice » dans ce même numéro) : elle a eu gain de cause, mais elle a galéré pendant 2 ans. Je ne suis pas sûre qu’elle ait donné du « Monsieur » aux agents de police dans la petite histoire qui suit.

Une couverture de notre revue, qui s’appelait alors Vélocité
(n° 2, 1987) nous rapporte la conversation entre un agent de la
force publique et un cycliste. L’agent, très grand, véritable force
de la nature, est penché sur le cycliste à califourchon sur son
vélo, un pied à terre. Un panneau de circulation routière
« STOP » est en feu et les bulles du dialogue nous racontent:

– Agent: « Pied à terre, chauffard ! »
– Cycliste: « Tout de suite, Monsieur… »
– A : « Vous êtes passible d’une amende de 1000 francs ! »
– C : « Mais c ‘est le prix d’un vélo neuf, Monsieur… »
– A : « Votre permis ! »
– C : « Je n ‘en ai pas, Monsieur… »
– A : « Vous avez brûlé un stop ! »
– C : « La visibilité était très bonne, Monsieur… »
– A : « On dit Monsieur l’agent ! »
– C : « Oui, Monsieur l’agent… »
– A : « Vous êtes un danger public ! »
– C : « Oui, Monsieur l’agent… »
– A conclut au centre de l’image: « Graine de terroriste culturel! »

L’article de “Vélocité “dénonce, déjà, un Code de la route inadapté aux cyclistes. Vous avez l’impression d’avoir déjà entendu cet échange ? Vous ne vous trompez pas, 20 ans après, nombreux sont les cyclistes qui témoignent par téléphone, courrier, courriel, de situations identiques; les cydllstes et les agents de poice campent sur leurs positions respectives, MDB cherche à les réconcilier en faisant avancer le code de la rue dont les derniers détails doivent être mis au point à ce jour (RL 96).

En ce temps-là, la police arrête un adhérent (pour délit de sale gueule ?) car il roule sur un vélo très chargé de dossiers. À la vue de la carte tricolore exhibée par le militant vélo et haut fonctionnaire, le policier penaud s’aplatit : « Un monsieur comme vous, ça devrait circuler en voiture! » (1983, RL n°14).

Les cyclistes et la SNCF

Renseignements à la SNCF : « La difficulté pour les employés de la SNCF des bureaux d’informations de renseigner l’animateur des sorties MDB est immense. Parfois, elle tourne au gag. » On n’avait pas Internet mais des bureaux d’in formations avec des employés dedans, quelle époque ! L’information, elle, est toujours aussi difficile à obtenir (1980, RL n° 1).

Après 10 ans de lutte, le MDB obtient de la SNCF la suppression de l’autorisation préalable pour embarquer des vélos en nombre, la liberté d’accès et la gratuité du transport des vélos sur les trains en Ile-de-France les samedis, dimanches et têtes, et aussi les mercredis aux heures creuses. La gare Saint-Lazare est la seule à appliquer ces décisions, encore que certains contrôleurs ne le savent pas encore : la SNCF aurait-elle un problème de com’ ? Tout est possible avec la SNCF ! (1983, RL n° 8, 13).

Le MDB insiste sur la nécessité de prévoir des garages à vélos à proximité des grandes gares parisiennes, il n’existe que 15 emplacements à la gare Saint-Lazare. La fermeture d’un garage à vélos de 200 places, géré par un café-tabac proche de la gare de Villeparisis, est ressenti comme une catastrophe et déclenche une action de MDB : pétition, affiches, tracts, contacts avec la mairie… (1983, RL n° 8, 10, 11). Ce n’est donc pas hier que (le) MDB a découvert l’importance du stationnement des vélos que ce soit en gare, dans les immeubles d’habitation ou à proximité de tous les équipements publlcs. En 2005, 2006 et 2007, MDB, têtu, continue de réclamer au minimum 200 emplacements vélos aux abords des gares du Nord, de l’Est, Montparnasse à l’occasion de la semaine de la mobiilté de septembre. La SNCF promet, s’engage…, ne fait pas beaucoup de progrès, voire supprime des liaisons avec trains accessibles aux vélos, répond 5 emplacements par-ci, 15 emplacements par-là ; d’ailleurs les 15 emplacements de Saint-Lazare existent-ils encore ? (RL n° 88, 92, 94, 99)

MDB et les aménagements cyclables

La coulée verte (Bastiile-Vincennes en lieu et place de la ligne vapeur SNCF Bastille — Boissy-Saint-Léger remplacée par le RER A en 1970) est la grande affaire des années 1980 : en 1983, elle est inscrite à l’ordre du jour des commissions extramunicipales de l’environnement, le MDB réclame une liaison cyclable Vincennes – centre de Paris, avec plans à l’appui et se voit refuser la parole (des fois que les cyclistes contamineraient d’autres citoyens avec des idées bizarres autant que déplacées !). La coulée verte a failli être abandonnée en 1984 devant l’entêtement du maire de Saint-Mandé, soutenu par I’APUR (Atelier Parisien d’Urbanisme), qui préfère construire des parkings automobiles sur l’itinéraire. Elle refait surface en 1987 mais entre-temps, les opérations immobilières déjà largement entamées mettent à mal le rêve des cyclistes : ils prendront ce qui reste, ils n’ont pas le choix. (1983-1984, RL n° 11, 14, 15, 16, Vélocité 1987). Plus tard, il y a eu la réalisation de la coulée verte de Montparnasse: « Cette coulée verte décidée par accord du 10 janvier 1985 entre l’Etat et la Région comportera une piste cyclable continue de 12 km, de Massy à la porte de Vanves. Les travaux ont finalement commencé au début de 1989 et leur avancement sera suivi attentivement par le MDB. Par ailleurs, l’association a écrit au maire de Paris pour connaître le mode de raccordement de la coulée verte à la piste cyclable de la rue Vercingétorix qui permettrait la réalisation d’une piste continue de Montparnasse à Massy » (Vélocité n° 10, avril 89).

L’autre grande affaire des années 1980 est la piste du canal de l’Ourcq, dont MDB relève le manque d’entretien, qui est condamnée à disparaître pour faire place aux voitures qui cherchent à se garer (1983, RL n° 8, 12) : les choses ont changé ou je rêve ? En 2001, les multiples réunions avec les multiples acteurs sur le sujet n’aboutissant pas, le MDB lance une opération « Pose de moquette » pour améliorer le confort des cyclistes que les aménageurs veulent ralentir au moyen de pavés et bandes rugueuses. Malheureusement, l’usine AZF ayant explosé ce jour-là, notre action a fait un peu Pschitt… dans les médias ! En 2006, enfin, une adhérente dynamique et motivée se lance :
elle crée l’antenne « Pantin à vélo », et se bat pour faire avancer le sujet. Elle me disait le 6 octobre que les travaux d’amélioration de cette piste allaient être lancés dans les tout prochains jours. Encore en 2007, nous écrivions au maire de Bobigny pour qu’il ait la gentiilesse de ne pas neutraliser la piste cyclable à l’occasion de fêtes semblables à celles de Paris-Plage : nous cyclistes, nous pouvons parfaitement ralentir et cohabiter avec les piétons fussent-ils en maillot de bain !

En termes d’aménagements, les premières pistes cyclables ou couloirs de courtoisie sont placés entre le couloir de bus et la circulation ; le MDB avertit qu’on va au devant d’un échec annoncé. Elles sont faites quand même, mais les automobilistes stationnent sur les 37 km de couloirs peints en vert, y compris les voitures de la police lorsque la circulation est dense, ils roulent carrément dessus. Les automobilistes sont une espèce à évolution lente, espèce rejointe depuis par les 2RM ! Bien que les couloirs de courtoisie soient boudés par les cyclistes et les cyclomotoristes, le MDB note une augmentation de 5,6 % du trafic cycliste. Les couloirs de courtoisie meurent en 1984 (RL n° 16), le MDB proteste contre l’enterrement du sujet « vélo » dans les préoccupations des élus, la mairie sort sa langue de bois: « pas de suppression, mais l’expérience ne sera pas étendue ». La mairie a fait l’économie d’une opération de gommage : des restes de ces couloirs sont toujours visibles sur la chaussée parisienne ! (1983 – 1984, RL n° 12, 14).

En 2005, les aménageurs n’ont pas mieux tenu compte des critiques et suggestions de MDB pour les aménagements cyclables du TMS. Malgré leurs défauts, les interruptions, leur envahissement par les voitures et les piétons, les cyclistes les fréquentent. On nous promet mieux sur les extensions du TMS. Indécrottablement optimistes, nous espérons que les promesses seront tenues.

MDB et la presse

En 1983, le MDB organise une manifestation qui réunit 250 cyclistes, l’événement est relaté dans la presse tokyoïte (si, si vous pouvez vérifier sur la couverture de RL n° 7 si vous lisez le japonais !). Régulièrement, Le Monde relate la sortie annuelle MDB qui s’appelait alors le Paris-Chartres, qui réunissait plus de 200 cyclistes et obligeait la SNCF à affréter un fourgon spécial pour embarquer les bicyclettes au retour. VSD rend compte d’un stage de réparation organisé par le MDB. Dans une revue de presse, Le Monde note l’absence de politique cyclable (pas possible !), du « cycle, secteur en berne » après le dépôt de bilan de Motobécane, Mercier et France-Loire, et pointe la responsabilité des importations qui cassent les prix ! (ah bon, la mondialisation n’est pas un problème moderne ?) Libération cite le MDB dans sa rubrique tourisme, tandis que L’Expansion décrit un système assez compliqué pour décourager le vol des vélos. France-Soir suit « un cycliste, candidat des Amis de la Terre aux européennes, impécunieux chronique, condamné à faire le tour de l’Europe en vélo » ; médias, police, ils ont la même perception de l’image sociale du vélo. Que France-Soir ne s’est-il mu des forçats du Tour de France! (1983, 1984, RL n° 7, 11, 13,15).

MDB et les fêtes, les salons, les balades et autres manifestations

La rubrique ”Calendrier” de Roue libre mêlait les dates de manifestations, de réunions de travail et les sorties : elle faisait une demi-page. On manifestait beaucoup, contre l’élargissement de la rue de Flandre, à l’occasion d’un accident impliquant un cycliste… Le MDB était déjà présent sur quelques foires et salons dont Marjolaine en 1983 à cette époque, notre stand nous coûtait 900 francs et ne nous rapportait pas autre chose que la notoriété ; aujourd’hui, nous ne payons pas notre stand, nous faisons quelques adhésions et nous vendons pour près de 1 000 euros d’articles divers ; tout augmente ma bonne dame!

Cette même année 1983, un membre actif MDB a présenté à la foire exposition de Poitiers consacrée aux loisirs, sans y être invité, la triplette qu’il a construite (entendez tandem à 3 places) et qui fut fort admirée par Laurent Fabius futur Premier ministre (RL n° 8, 10, 13).

La fête du vélo en juin était un carnaval vélos avec pré-inscriptions, demandait beaucoup d’imagination et de préparation de la part des adhérents ! Une organisatrice se désole car elle n’a pu rassembler plus de 100 participants. Savez-vous combien de cyclistes ont honoré les Vélorallyes de 2005 et 2006 qui a demandé aux bénévoles des mois de travail ? Réponse : pareil grosso-modo! (1984 – 1986, RL n° 16, n° 3 nouvelle série, 2005- 2006, RL n° 86, 92).

La vie de MDB aujourd’hui

Mais alors, me direz-vous, qu’y a-t-il de vraiment nouveau dans la vie quotidienne du cycliste urbain et de son association préférée? Eh bien, plein de choses, jugez-en :

La vélo-école, tenue à bout de bras pendant de longues années par notre ex-président Laurent, aujourd’hui fermée, nous manque cruellement. Notre antenne MDB94 est en train de la remettre sur pied en copiant les copains de toujours à Montreuil et nous espérons qu’elle ouvrira ses portes très prochainement.

La naissance de nos antennes justement : le bureau parisien ne pouvant couvrir la totalité de l’lle-de-France, des adhérents motivés prennent les choses en main face aux élus de nombreuses communes hors les murs de Paris : MDB94 ouvre la marche en 2006 avec Jean-Paul qui a déjà obtenu une subvention du CG94, suivi par Catherine à Antony, Pantin à vélo avec Marie, Philippe à Courbevoie, MDB — Vallée de Montmorency avec Pierre, Place au Vélo à Alfortville avec Claire, et les dernières nées en 2007 : VELYVE avec Loïc pour l’Yerres à vélo et VéloSQY avec Benoît et Corrine pour Saint-Quentin-en-Yvelines. En 2007, nous avons expérimenté la première Convergence qui est un peu l’inverse du Paris-Chartres, et qui n’aurait eu aucun sens sans nos antennes et n’aurait pas été possible sans leur contribution (RL n° 99). En cette année rugbystique, il reste à transformer l’essai et tâcher de faire de la convergence 2008 un événement capable de se mesurer avec le retentissement de Vélib’.

En 2004, Sören lance la première bourse aux vélos sur le modèle de celle de nos amis de Montreuil : succès monstre (RL n’ 80) et depuis, MDB organise deux bourses annuelles avec la régularité d’un métronome, toujours aussi populaires, qu’il pleuve ou qu’il vente. La 8e bourse s’est déroulée le 6 octobre 2007 sur le parvis de la mairie du 19e arrondissement, bénie par un soleil généreux et miraculeux après un été pourri, nous a amené 266 montures à vendre, 20 adhésions nouvelles, et nous a permis de graver 57 vélos. Nous ne remercierons jamais assez les volontaires anciens et nouveaux pour leur dévouement, les services des mairies qui nous accueillent et contribuent largement aux démarches administratives et à la communication.

À propos de gravage : en 2006, MDB ajoute une corde à son arc, acquiert une machine à graver les vélos selon le système FUBicycode ; l’activité est inaugurée sur les quais libres de Courbevoie (RL n’ 94), nous gravons à l’occasion de presque toutes nos manifestations ; en attendant de trouver un moyen d’exercer cette activité avec un calendrier défini à l’avance à défaut d’une périodicité déterminée, surveillez notre site, il annonce les dates et lieux où se tiennent les prochaines séances de gravage.

Jalonnement : comment orienter les cyclistes sur des itinéraires profitant au maximum des aménagements faits pour eux ? Par un jalonnement dont la mairie retient le principe dès 2004, que MDB décide de soutenir après une consultation de ses adhérents par voie électronique ; la présidente et son secrétaire général avec le soutien critique et constructif de l’ensemble du bureau continuent d’y travailler en profondeur axe par axe, avec les services de la voirie (RL n° 86, 94).

Norma Mashaal

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