Lettre de Monique Giroud sur le port du casque

Campagne « jamais de vélo sans casque »

Une lettre de la présidente de la FUBicy (Fédération des Usagers de la Bicyclette)

à M. Pierre GOGIN
FPS – Fédération Professionnelle des Entreprises du Sport et des Loisirs
124 boulevard Haussmann, 75008 Paris

Strasbourg, le 25 Août 2005

Objet : campagne « jamais de vélo sans casque »
Copie à :
A. Goetzmann, président du Comité de Promotion du Vélo, 79 rue J.J. Rousseau, 92158 Suresnes Cedex
Y. Claude, président du directoire Décathlon, 4 bd de Mons, BP 299, 59665 Villeneuve d’Asq Cedex
P. Wargnier, directeur général de Go Sport, 17 avenue de la Falaise, 38360 Sassenage

Monsieur le président,

Je voudrais, au nom de la FUBicy, vous interpeler par ce courrier au sujet de la campagne de promotion du casque que vous avez engagée en mai 2005. Nous voudrions vous alerter sur les effets pervers prévisibles de cette action, qui pourrait s’avérer très contre-productive tant pour le développement du vélo que pour la santé publique. Dans cette campagne, vous ne faites en effet aucune distinction entre les pratiques sportives, et les simples déplacements à vélo à vitesse modérée, alors que les risques d’accidents sont radicalement différents dans les deux cas.

Contrairement à des préjugés très répandus, le port du casque cycliste n’est pas pertinent pour résoudre le problème de l‘ insécurité routière, cette insécurité n’étant d’ailleurs, en moyenne, pas plus marquée pour les cyclistes que pour les piétons. Par contre, effrayer les usagers potentiels en faisant croire qu’il serait très dangereux de se déplacer à vélo sans casque détournera de la pratique du vélo une fraction significative des usagers. Vous vendrez probablement plus de casques, mais moins de vélos…

Or, une désaffection pour le vélo aurait un impact négatif au niveau santé publique. L’effet bénéfique d’un exercice physique modéré mais régulier est prouvé par plusieurs études cliniques, et nous soulignons que ces effets bénéfiques surpassent largement les risques d’accident de la circulation (source : OMS). Enfin, une baisse du nombre de cyclistes aurait un impact négatif sur leur sécurité : tous les bilans Sécurité Routière, dans de nombreux pays européens, montrent une corrélation assez nette entre l’augmentation du nombre de cyclistes, et la baisse du taux d’accidents.

Pour vous convaincre de ne pas prendre ces affirmations à la légère, nous attirons votre attention sur les faits suivants :

  1. Dans la pratique sportive près de 90% des accidents sont des chutes de cyclistes (source : FFCT), situations dans lesquelles le port d’un casque peut s’avérer utile. Dans les accidents de la circulation, au contraire, plus de 90% des accidents sont des collisions avec des véhicules motorisés (source : Sécurité Routière), collisions dans lesquelles le choc initial du véhicule sur d’autres parties du corps est en général plus violent que le choc qui s’en suit du cycliste sur le sol. Vouloir étendre à tous les cyclistes le port du casque comme dans les compétitions sportives n’est pas plus justifié que de demander à tous les automobilistes de conduire casqués comme les pilotes de rallye ou de Formule 1.
  1. Dans l’ensemble des accidents de la circulation, le risque de blessure à la tête n’est en moyenne pas plus élevé pour les cyclistes que pour les piétons ou les passagers d’automobiles. En France, les cyclistes représentent 4% des déplacements, 4% des blessés graves, et 3% des tués dans des accidents de la circulation. Parmi les blessés, 17% des cyclistes, 24% des automobilistes, et 26% des piétons, sont touchés à la tête (source : Sécurité Routière). Parmi les tués, 82% des cyclistes, et 86% des autres usagers, sont touchés à la tête (source : British Medical Association). Vos adhérents diffusent-ils pour autant des flyers « Jamais de chaussures de jogging sans mon casque » ?
  1. Le communiqué de presse de lancement officiel de votre campagne, en mai 2005, sans doute inspiré par un dossier de l’INPES à qui nous avions pourtant déjà signalé ces incohérences, attribuait aux seuls traumatismes crâniens un nombre de tués deux fois plus élevé que le nombre total de victimes cyclistes sur les routes de France, toutes causes de décès confondues. Ces « approximations » ne font que renforcer le préjugé déjà trop répandu qu’il serait très dangereux de se déplacer à vélo, et risquent de détourner de cette pratique un nombre croissant de Français. Plusieurs expériences de généralisation du port du casque se sont soldées, de manière reproductible, par un effet dissuasif important. En Australie, en Nouvelle-Zélande et dans deux provinces canadiennes, la généralisation du port du casque cycliste, rendu obligatoire par la Loi il y a une dizaine d’années, s’est traduite par une baisse du nombre de cyclistes de 22 à 40% selon les régions, la chute de la pratique étant particulièrement marquée chez les jeunes et les femmes (source : Bicycle Helmet Research Foundation).
  1. Enfin, contrairement à ce que prétendent certaines études largement médiatisées, mais basées sur des échantillons de population très restreints et non représentatifs, dans aucun des pays qui se sont efforcés, par la promotion ou par la coercition, de généraliser le port du casque cycliste, on n’a pu observer un impact significatif de cette mesure, si ce n’est la baisse du nombre de cyclistes… En Australie, la baisse du nombre de traumatismes crâniens parmi les cyclistes n’a été que de 11%, alors que le nombre de cyclistes a baissé de 30%, ce qui signifie que le risque rapporté au nombre de cyclistes s’est en réalité accru ! Aux USA, l’augmentation significative du taux de port du casque ne s’est pas traduite par une baisse sensible du nombre de victimes cyclistes, ce pays ayant au contraire en matière d’accidentologie cycliste des résultats 5 fois moins bons que les Pays-Bas, où le casque est très rarement porté. En Grande-Bretagne le nombre d’enfants cyclistes hospitalisés pour traumatisme crânien a baissé de 21% entre 1995 et 2003, alors que dans le même temps le pourcentage d’enfants portant un casque a diminué de 14%. Enfin, dans plusieurs pays dont l’Australie, l’Allemagne et la France, le nombre de blessés cyclistes et piétons a diminué dans des proportions identiques en une dizaine d’années, alors qu’aucun piéton ne porte de casque.
  1. Des adhérents cyclistes nous ont signalé que dans des points de vente d’un grand distributeur membre de la FPS, les vendeurs expliquent aux clients que le casque est sur le point de devenir obligatoire, et que cela aurait même dû être fait dès 2004. Je ne sais pas d’où vient cette rumeur, mais le Ministère des Transports, concerné au premier chef puisque c’est celui de la Sécurité Routière, a confirmé officiellement à 10 reprises entre début 2003 et avril 2005, par des réponses écrites à des questions de députés, que le Gouvernement n’envisageait aucune mesure pour imposer le port du casque à vélo, compte tenu des échecs des expériences de pays étrangers. Le rapport parlementaire Le Brethon, remis au Premier Ministre en mars 2004, défend également ce point de vue, et l’Amicale Cycliste Parlementaire est elle aussi opposée à l’obligation du casque.

La FUBicy a jusqu’à présent apprécié de pouvoir agir de concert avec le Comité de Promotion du Vélo, dont la FPS est membre comme nous, dans le respect des compétences de chacun, pour faire ensemble progresser la pratique du vélo sous toutes ses formes. Aussi, nous nous permettons d’insister pour que vous respectiez la spécificité des pratiques non sportives du vélo, et que vous teniez compte des éléments exposés ci-dessus pour mieux cibler votre campagne casque en direction des seules « pratiques à risques ».

Nous sommes à votre disposition si vous avez besoin de plus de précisions sur nos sources de données, et de chiffres ou explications supplémentaires. Nous sommes également prêts, si vous le souhaitez, à examiner ensemble comment adapter les messages que vos adhérents peuvent transmettre aux différentes catégories de cyclistes pour améliorer leur sécurité.
Dans l’attente de votre réponse, veuillez agréer, monsieur Gogin, l’expression de mes salutations les plus cordiales

Monique Giroud, présidente de la FUBicy

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