n°106 (novembre-décembre 2008)

La désinformation continue

Les temps sont durs. À l’occasion de la semaine de la sécurité routière, les fausses rumeurs sur la dangerosité du vélo en ville sont allées bon train. La tenue concomitante du Salon de l’auto y serait-elle pour quelque chose ? En tout cas, les médias, allègrement financés par les vendeurs de mort, se sont empressés d’enfoncer le clou en diabolisant sous couvert d’information les attitudes prétendument irresponsables des cyclistes fauteurs d’accidents, alors que toutes les statistiques montrent que le risque d’avoir un accident à vélo diminue, surtout parce que la circulation cycliste augmente.

Je ne sais à qui attribuer la palme de la désinformation : au Figaro qui, sous le titre « 44% des accidents sur le trajet domicile-classe », fait remarquer que sur les 164 jeunes de moins de 14 ans tués, 44 étaient des piétons et que 20 % étaient responsables de ce qui leur était arrivé car ils « ont manqué de vigilance » (et toc, bien fait pour eux). Pour les 80 % restant, l’enquête est sans doute toujours en cours. Et d’enchaîner sur les cyclistes qui e sont à ce jour épargnés […] avec 142 tués dont 5 à Paris, mais le pire reste peut-étre à venir […] le vélo risque de devenir un engin de mort ». Rien que ça.

Ou à la sécurité routière avec son spot radio « Paf le vélo ! » où l’on entend des jeunes qui rigolent en racontant l’histoire d’un cycliste qui se fait écraser par une camionnette après avoir brûlé un feu rouge, puis le slogan : « 1 400 jeunes sont morts en 2007 sur les routes ». Joli raccourci pour l’opinion publique, vous ne trouvez pas? En France, on est très fort, on a 142 cyclistes tués dont I 400 ont grillé un feu.

Vous me direz, quelle importance puisque nous qui nous déplaçons à vélo quotidiennement savons que le vélo, c’est bon pour nous, c’est bon pour les autres, c’est bon pour tous ? Eh bien le problème est que cela conduit à des attitudes inutilement agressives de la part des autres usagers qui saisissent chaque occasion pour reprocher aux cyclistes — présumés coupables — de ne pas respecter le code de la route quand on ne roule pas assez vite (alors qu’il n’y a pas de vitesse minimale dans le code de la route), voire de rouler en sens interdit alors que nous sommes dans un contresens cyclable.

Et puis surtout, cela fait sans doute hésiter pour une part non négligeable les non-cyclistes à franchir le pas et à nous rejoindre à vélo, convaincus qu’ils sont par ces interlocuteurs
— qui semblent dignes de confiance — que le vélo, c’est dangereux. Même ceux qui devraient être nos alliés sont prisonniers de ces idées reçues. Ainsi, lors du dernier comité de pilotage vélo à la mairie de Paris, on nous a présenté un projet de valorisation des itinéraires cyclables. Le scénographe a proposé entre autres d’orner la ville de sculptures de mots géants à la Richard Baquié. Quels furent les mots choisis? VELO, PROTEGER, EFFORT, FRAGILE. Soit: venez faire du vélo, c’est pénible et dangereux. C’est dans ces moments-là qu’on mesure le chemin qui nous reste à faire pour convaincre, qu’il leur reste à faire pour oser le vélo. Si les décideurs en sont là, comment s’étonner que le vélo soit considéré comme archaïque, dangereux, juste bon pour faire un petit tour et puis s’en va… en auto?

Car pour la voiture, le discours est à l’opposé : les voitures aujourd’hui sont intelligentes, mieux que parfaites et très sûres (l’enquête concernant les 80% des 164 jeunes fauchés sur les routes étant toujours en cours, rien ne permet de supposer qu’ils aient été victimes de véhicules motorisés…). Il est vrai qu’on ne vendrait pas autant de voitures en rappelant que ça va vous coûter cher, que ça pollue, ça fait du bruit, ça tue 5000 personnes par an.

Quelle hypocrisie, quelle mauvaise foi et quel gâchis!

Alors nous, cyclistes, disons-le, clamons-le ! Le vélo, c’est PLAISIR, BONHEUR, INDÉPENDANCE. Pour séduire et faire envie, et qu’on soit de plus en plus nombreux à Mieux se Déplacer avec Bonheur.

Kiki Lambert

Cela pourrait également
vous intéresser !

Cela pourrait également
vous intéresser !

Cela pourrait également
vous intéresser !

Pourquoi les cyclistes boulonnais ne peuvent pas attendre 2027

La requalification de la route de la Reine est prévue par le Département des Hauts-de-Seine avec une piste cyclable de qualité. En attendant cet aménagement salutaire, la situation reste alarmante et nous appelons le Département et la Ville à améliorer les aménagements transitoires et leur respect par les automobilistes.