Pistes cyclables à Antony : sont-elles à la hauteur ?

Tous les aménagements cyclables ne sont pas perçus de la même manière par les usagers. Pistes et bandes cyclables offrent des niveaux de sécurité différents. À Antony, les pistes cyclables sont rares, et présentent des lacunes et un manque de continuité. Petit tour d’horizon de la situation dans notre ville.

La page dédiée aux circulations douces à Antony sur le site de la Ville (dernière mise à jour en 2017…) comptabilise ensemble pistes cyclables et bandes cyclables. Cependant elle indique plus loin « Il faut bien distinguer les bandes cyclables, qui sont des voies de circulation réservées aux cyclistes, incluses sur la chaussée et marquées par des bandes de peinture, des pistes cyclables, qui sont une voie séparée de la chaussée ». Notons que la définition proposée est problématique puisque, le vélo étant un véhicule à part entière au sens du code de la route, la piste cyclable est aussi une chaussée : « partie(s) de la route normalement utilisée(s) pour la circulation des véhicules ».

Qu’est-ce qu’une piste cyclable satisfaisante ?

Certains commentateurs s’étonnent de voir des cyclistes sur la voie générale alors qu’il existe ce qu’ils appellent une « piste cyclable ». Pour qu’un itinéraire soit utilisé, il faut qu’il soit non seulement sécurisé, mais aussi efficient. L’efficience, c’est la capacité d’obtenir de bonnes performances dans une tâche donnée. Quand une voie cyclable est mal aménagée ou mal entretenue, son utilisation peut devenir plus pénible, voire plus dangereuse, que de l’éviter.

Ceci n’est pas une piste cyclable

Une bande cyclable n’est pas une piste cyclable. Non séparée de la circulation générale et utilisée pour des arrêts et stationnements abusifs, elle est dangereuse car les cyclistes doivent déboîter dans la circulation pour les contourner. Une simple bande de peinture sur la chaussée ne constitue pas une voie cyclable satisfaisante.

Exemple de bande cyclable : avenue Aristide Briand, une simple peinture sur la chaussée n’empêche pas le stationnement de voitures, parfois même celles de la Ville !

Un trottoir partagé ne peut non plus passer pour une piste cyclable. On trouve ce type d’aménagement avenue de la Division Leclerc ou avenue Raymond Aron. Il s’agit seulement d’un parcours vélo tracé sur le trottoir. Or, les piétons perçoivent ces espaces comme faisant partie du trottoir, les cyclistes comme des intrus. Il y existe aussi des risques d’emportiérage, ces aménagements étant proches des places de stationnement, on y observe des trous, et des interruptions fréquentes par les bateaux de sortie de garage et les rues avoisinantes avec des bordures de trottoir à franchir. Enfin les passagers aux arrêts de bus restent souvent sur la voie. En revanche, la voie générale à côté, utilisée par les voitures, est droite, lisse et ininterrompue.

Trottoir partagé sur l’avenue Raymond Aron. Les piétons perçoivent la voie cyclable comme faisant partie du trottoir et non pas comme une chaussée à part entière. L’espace réduit entre les stationnements et la voie cyclable induit des risques d’emportiérage. Cet aménagement peut entraîner des risques de conflits entre piétons et cycles.
Intersection entre l’avenue Raymond Aron et la rue de Normandie. La bordure de trottoir constitue un obstacle pour les cyclistes qui n’existe pas sur la voie générale. Elle renforce la perception que la voie cyclable fait partie du trottoir, alors que c’est une chaussée. En outre, la voie cyclable ne se poursuit pas visuellement sur l’intersection, ce qui peut conduire les automobilistes qui tournent à ignorer qu’ils croisent une voie cyclable. La courbure de l’intersection ne contraint pas à ralentir et le régime de priorité n’est pas clair. Ces circonstances ont déjà provoqué une collision à cet emplacement.

Comparons avec une véritable piste cyclable à Antony : rue de l’Abbaye, une chaussées séparée des autres véhicules, et des piétons, offrant une meilleure sécurité… malheureusement trop étroite, et dans un seul sens.

Enfin, les pistes cyclables proprement dit peuvent être parsemées de trous, ce qui est d’autant plus difficile à accepter quand on observe que la voie générale adjacente est parfaitement entretenue. 

En l’absence d’aménagement cyclable digne de ce nom, le cycliste peut préférer utiliser la voie générale, ce qui est parfaitement son droit, sauf si un panneau bleu circulaire avec un vélo au milieu indique une obligation. Un panneau carré indique simplement la présence d’une voie cyclable, sans obligation d’y rouler.

Une piste fréquentée est une piste cyclable sûre et efficace 

Réaliser de bons aménagements est à la portée de toutes les communes en se basant sur les bonnes pratiques en la matière. 

Le Collectif vélo île de France dispose d’une expertise reconnue en matière d’aménagements cyclables et ses experts proposent des analyses des projets d’aménagements de nouvelles voies cyclables. Ils ont ainsi contribué à la réflexion autour des nouveaux aménagements comme celui de l’avenue Gabriel Peri à Montreuil, considéré comme exemplaire. Les projets d’aménagement cyclables de l’avenue Léon-Jouhaux et de la rue Adolphe Pajeaud ont pu bénéficier de leurs conseils. Espérons que les aménageurs les prennent en compte, comme à Montreuil !

On peut aussi consulter les 8 recommandations pour réussir votre piste cyclable du Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement).

Enfin, le blogueur Altis Play propose, en vidéo, dix critères essentiels pour une piste cyclable de qualité :

  1. Séparation des véhicules motorisés.
  2. Protection contre le stationnement abusif et l’emportiérage.
  3. Continuité de la piste.
  4. Intersections claires.
  5. Virages doux.
  6. Bordures chanfreinées.
  7. Absence de piétons sur la piste.
  8. Possibilité de dépasser.
  9. Éloignement des caniveaux.
  10. Confort et bonne luminosité.

Observons quelques exemples de pistes cyclables de qualité, dans d’autre villes : 

Quelques pistes cyclables à Antony

 Antony dispose de quelques centaines de mètres de véritables pistes cyclables :

Rues Lavoisier et Pierre-Gilles-de-Genne

Ce qui se rapproche le plus d’une bonne piste cyclable à Antony est certainement celle de la rue Lavoisier, prolongée par celle de la rue Pierre-Gilles de Gennes, permettant de parcourir 500 mètres en sécurité. La séparation avec l’espace piéton est nette, indiquant clairement qu’il s’agit d’une chaussée dédiée aux véhicules. La bordure avec la voie générale mériterait d’être plus haute cependant pour empêcher le franchissement par les voitures.

Le choix d’une bidirectionnelle est regrettable car il oblige les cycles à franchir une intersection. Une piste unidirectionnelle de chaque côté de la rue est généralement une meilleure solution.

La présence d’une véritable piste cyclable permet aux usagers les plus vulnérables comme les enfants de circuler sereinement.

Sur la rue Pierre-Gilles de Gennes, l’aménagement est moins satisfaisant. Arrivé au rond-point (dont la présence surprend en l’absence d’intersection), la piste s’interrompt et les cyclistes sont invités à rejoindre la voie générale.

De l’autre côté du rond-point, les pictogrammes au sol suggèrent que la piste reprend sur le trottoir, mais rien n’y indique qu’il s’agit d’une chaussée dédiée et non d’un trottoir, ce qui perturbe les piétons.

 À l’autre extrémité, rien n’indique la présence d’une piste cyclable. Sur ce tronçon, on ne peut pas considérer qu’il existe un aménagement cyclable adéquat.

Rue Georges Suant

La piste bidirectionnelle longe une voie automobile où les voitures roulent à grande vitesse, sur un tronçon de la D63 que l’absence de bâtiments alentours incite à considérer comme une route plutôt que comme une rue. Le caractère obligatoire de la piste est ici justifié. De plus, elle est nettement séparée des piétons, qui disposent d’un trottoir de largeur suffisante.

Toutefois, alors que la voie automobile est immaculée, la piste cyclable est dans un état déplorable, déformée par les racines d’arbres et pleine de trous. La différence de considération par la puissance publique entre les automobilistes et les cyclistes est ici flagrante.

Avenue du Général de Gaulle

Cette avenue comporte deux tronçons aménagés en pistes cyclables. 

Le premier, entre la place du Général de Gaulle et la rue Velpeau, propose une piste bidirectionnelle centrale… sur 200 mètres seulement. C’est moins de 40 secondes de trajet en vélo, sans parcours cyclable évident pour y entrer à l’est et avec une interruption complète et brutale de la continuité cyclable à l’ouest.

Le second tronçon est une piste bidirectionnelle encore inachevée qui longe l’avenue côté sud jusqu’à la rue des Marguerites. L’accès n’y est pas matérialisé par un parcours clair, obligeant à franchir une large portion de trottoir pour la rejoindre. Nous avons rencontré des représentants du Département le 13 septembre 2023 pour examiner cette situation. Le Département a formulé des propositions pour l’amélioration de la circulation, côté sud.

La cyclabilité ne se limite pas aux pistes cyclables

Avons-nous besoin de pistes cyclables partout ? Pas nécessairement. Toutes les rues ne peuvent pas accueillir de pistes cyclables, mais cela ne signifie pas qu’elles ne peuvent pas être cyclables. C’est là qu’intervient la notion de cyclabilité.

Qu’est-ce que la cyclabilité ?

Le blog « Urbanisme cyclable » définit la cyclabilité en se basant sur les perceptions des usagers. Une rue avec un faible volume de trafic peut être considérée comme une voie cyclable. À Antony, le plan de circulation douce a créé de nombreuses zones 20 et 30.

Mais une zone 30 ne suffit pas à rendre une rue cyclable.

Les conditions d’une rue cyclable :

  1. Volume de trafic faible : une rue est apaisée et cyclable lorsqu’elle a très peu de voitures. À Antony, cela concerne de nombreuses rues résidentielles pavillonnaires, à condition qu’elles ne soient pas utilisées comme itinéraire pour relier deux grands axes. Le Guide des aménagements cyclables considère une rue cyclable si elle supporte un trafic inférieur à 2000 véhicules par jour, ou 200 véhicules par heure aux heures de pointe (soit un véhicule toutes les 18 secondes).
  2. Aménagements encourageant la réduction de vitesse : un panneau de limitation de vitesse ne suffit pas pour que les conducteurs ralentissent. Les aménagements doivent les y encourager. Par exemple, la rue de Bône a un stationnement alterné qui casse la ligne droite, et des plateaux surélevés au niveau des passages piétons ou des ralentisseurs sont très efficaces.

Exemples de rues apaisées à Antony :

On peut considérer ces deux types de rues cyclables, même sans aménagement spécifique pour les vélos.

Conclusion

Comptabiliser ensemble pistes et bandes n’a aucun sens du point de vue de l’évaluation de la cyclabilité d’une ville. Les bandes cyclables sont utiles, mais n’encouragent pas ceux qui hésitent à sauter le pas et à passer au vélo pour leurs trajets quotidiens.

Améliorer la cyclabilité d’Antony passe par l’aménagement de véritables pistes cyclables sur les grands axes. Il est également essentiel de continuer à développer un plan de circulation et des aménagements pour apaiser les plus petites rues, en limitant le trafic de transit et en encourageant les conducteurs à ralentir.

Quelles sont, selon vous, les voies où vous rencontrez des difficultés à vélo à Antony ? Que pourrions-nous faire pour améliorer ces itinéraires ? Vos suggestions sont précieuses pour créer une ville plus cyclable et sécurisée pour tous.

Article et photos (sauf mention contraire) de Valéry-Xavier Lentz – CC BY-SA 4.0 Deed

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