Malgré une hausse considérable de la pratique cyclable, notamment urbaine, le nombre de cyclistes tués sur la route est stable depuis 10 ans (autour de 160 victimes). Qui est le cycliste tué type ? Il est âgé de plus de 65 ans, il est casqué et son accident a lieu hors agglomération.
La FUB prend bonne note de l’objectif affiché ce matin par le premier ministre de descendre à 2000 tués sur les routes à l’horizon 2020, mais doute que les mesures annoncées soient à la hauteur des ambitions, et change quoi que ce soit pour les usagers du vélo.
En effet, pour baisser le nombre de tués et blessés graves, tous usagers confondus, l’enjeu clef est la baisse des vitesses et non de « fausses bonnes idées », comme une obligation du port du casque.
Ainsi, pour économiser des vies de cyclistes, la FUB demande et redemande depuis de nombreuses années :
1/ La mise en place massive de la « ville 30 », qui consiste à changer de paradigme : le 30 km/h devient la règle, tandis que le 50 km/h est l’exception, réservée aux axes principaux : à l’image de la mesure qui vient d’être prise à Grenoble, et qui s’applique déjà avec succès à Lorient, Fontainebleau…
2/ La généralisation de la baisse de la vitesse à 80 km/h sur le réseau secondaire : c’est la vitesse des automobiles qui tuent les automobilistes, les cyclistes et les piétons (et non l’absence de casque)
3/ Des mesures concrètes de sensibilisation des conducteurs motorisés aux dangers que représentent les angles morts, la non-utilisation des rétroviseurs et des clignotants, le sur-teintage des pare-brises, le stationnement sur les voies cyclables
4/ La remise à jour des normes d’éclairage des vélos : un bon éclairage permet d’éviter des accidents, un casque ne peut, au mieux, qu’en limiter les conséquences.
5/ Pour les jeunes, et notamment les moins de 12 ans, rendre systématique l’apprentissage de la mobilité à vélo, dans un cadre scolaire, comme cela se pratique dans nos pays voisins, mesure plus efficace qu’une obligation arbitraire de port du casque.
Ne nous trompons pas de cible : la présence de vélos contribue à baisser les vitesses et améliore donc ainsi la sécurité de tous. Le casque, lui, n’empêche pas les accidents!
Article paru dans Roue Libre n°110 (juillet-août 2009)
Par Pierre Toulouse et Francis Papon
Le 28 mai dernier s’est tenue à Lyon une rencontre des chercheurs français sur le thème du casque pour les cyclistes.
MDB n’y était pas représentée officiellement mais trois de ses membres y ont assisté à titre professionnel. Une occasion pour ouvrir à nouveau ce dossier délicat.
Cette réunion étant organisée par l’UMRESTTE, unité mixte de recherche de l’INRETS, de l’Université Claude Bernard de Lyon et de l’INVS, sous le patronage de « France Traumatisme Crânien » qui regroupe les médecins soignant les victimes de ce type de traumatisme, il était à craindre d’assister à un véritable plébiscite pour le port obligatoire du casque. Si cette position dominait nettement parmi les intervenants, le résultat est néanmoins resté heureusement plutôt nuancé.
Les positions de l’ECF (European Cyclist Federation), de la FUBicy et de MDB sont sur la même longueur d’onde : imposer le port obligatoire du casque est une mesure néfaste, avec des effets pervers tels que les bénéfices éventuels de cette mesure seraient plus que neutralisés par ses inconvénients. Si l’utilité du casque en usage sportif n’est sans doute plus à démontrer, il en va tout autrement pour les déplacements utilitaires ou de promenade. D’après des études dites « écologiques » – c’est-à-dire concernant l’effet d’une mesure sur une population – et notamment les résultats publiés par la chercheuse australienne Dorothy Robinson, il semble être démontré que le port obligatoire du casque en Australie n’a été suivi d’aucune amélioration en terme de baisse des traumas crâniens, mais qu’en revanche la pratique du vélo a brutalement chuté de 20 à 30 %. Or d’autres études montrent que plus la population de cyclistes est importante, plus le risque individuel diminue (à consulter absolument : le dossier casque sur le site de la FUBicy).
Ainsi, une loi imposant le port obligatoire du casque pour les cyclistes, si elle permettrait sans doute de réduire les traumatismes crâniens de ceux qui persisteraient à faire du vélo et seraient accidentés tout en portant le casque, a plusieurs effets pervers qui peuvent conduire à un bilan négatif pour la santé publique :
Cependant l’objet de la journée n’était pas de discuter de l’opportunité d’une telle loi (bien qu’il en ait été question), mais de présenter les résultats scientifiques incontestables sur le casque et le vélo.
Francis PAPON, chercheur à l’INRETS (Institut national de recherches sur les transports et leur sécurité), a travaillé notamment sur la quantification des apports du vélo comme mode de déplacement. Citant les conclusions de plusieurs études internationales sur les effets de l’activité physique en terme d’apport pour la santé, Francis Papon a présenté un bilan des coûts et avantages kilométriques moyens des cyclistes.
Les coûts comprennent surtout le temps passé, dont la valorisation dépend du plaisir ou de l’inconfort à se déplacer à vélo, le coût monétaire de l’usage lui-même et les effets de l’insécurité subie (accidents)…
Mais les avantages comportent d’abord l’utilité du déplacement pour les déplacements utilitaires, le plaisir pour les déplacements de loisirs, et aussi le bénéfice pour la santé, notamment cardiovasculaire.
Le même exercice fait pour les coûts et avantages pour la société déduit de ce bilan les charges qui ne sont pas imputables aux cyclistes (notamment les dommages des accidents dont ils ne sont pas la cause physique), et ajoute les (faibles) charges qu’ils ne payent pas.
Cet exercice d’économiste, s’appuyant sur des valeurs tutélaires qui peuvent évidemment être contestées mais qui sont la référence admise, aboutit à un bilan nettement positif pour la société.
valeurs moyennes (¤2000/km) | vélo |
total externalités positives | 0,27 |
taxes payées | 0,02 |
santé (gains sécurité sociale et employeurs) | 0,01 |
insécurité reçue nette | 0,22 |
pollution inhalée | 0,007 |
bruit supporté | 0,003 |
congestion supportée | 0,014 |
total externalités négatives | -0,05 |
dépenses routières | -0,01 |
insécurité émise | -0,008 |
pollution émise | -0,03 |
effet de serre | 0,00 |
bruit émis | 0,00 |
congestion émise | -0,007 |
solde | +0,22 |
S’appuyant sur les enquêtes nationales sur les transports de l’INSEE dont les résultats de l’édition 2009 devraient être publiés à l’automne, Francis Papon a aussi dressé un bilan de l’activité physique et de la mobilité à vélo.
Anne VUILLEMIN, de l’école de santé publique de Nancy, a enfoncé le clou en rappelant que les bénéfices associés à la pratique du vélo, activité physique aérobie, sont incontestables. Ainsi une synthèse de 33 études menées depuis 1992 montre que la pratique du vélo fait diminuer les risques de plus de 30 % pour les accidents cardiovasculaires sans être agressif pour les articulations et en favorisant le retour veineux. Des résultats sont aujourd’hui certains pour le cancer du sein et du côlon et le diabète.
Une fois ces jalons solidement plantés voici un panorama des intervenants et de leurs interventions.
Cette journée a au moins permis d’y voir plus clair quant aux connaissances et aux positions des différents protagonistes de cette saga du casque. Ces positions sont complexes, et il serait contre-productif de se limiter à y voir un affrontement entre les partisans et les adversaires d’une loi sur le casque obligatoire.
L’AFTC (Association des familles de traumatisés crâniens) n’était volontairement pas incluse dans le programme de la journée, mais certains de ses membres étaient dans la salle et ont d’emblée exprimé leur position sans appel : « il faut rendre le casque obligatoire ». Heureusement leurs questions ont rapidement été éludées. Il serait vain et indécent de débattre avec eux, car il faut bien comprendre qu’ils ont souffert et souffrent encore d’un drame familial.
FTC (France traumatisme crânien) ne doit pas être confondue avec l’association précédente, car c’est une association de médecins qui s’occupent de traumatisés crâniens. Ils sont naturellement soumis à la pression des familles, et sont à l’origine de la journée. Ils ne connaissaient rien au vélo a priori, et donc l’idée simple de rendre le casque obligatoire leur paraissait naturelle. Mais ce sont des scientifiques, ils ont compris que la problématique était plus compliquée, et sont prêts à adopter des positions plus nuancées à l’égard d’une loi sur le port du casque, se fondant sur des arguments scientifiques fondés.
Notons qu’il y a en France 16 000 décès par an par traumatisme crânien, mais « seulement » 142 cyclistes toutes causes confondues. Notons aussi que le vélo est le mode qui, comparativement au nombre de tués, a le plus de blessés avec des séquelles graves.
Le Dr Plantier a décrit les connaissance des mécanismes qui provoquent les dégâts dans le cerveau. Il semble que, plus que les coups eux-mêmes, ce soient les cisaillements introduits par les mouvements de rotation brutale qui entraînent les décès et les plus gros effets.
Les fabricants de casque ont été écartés de la journée. Trois ou quatre personnes étaient présentes dans la salle, mais ne sont pas intervenues. Leurs intérêts sont bien compris.
En revanche Rémy WILLINGER, de l’université de Strasbourg, qui travaille avec eux et sur la mise au point de normes de casque, a fait deux présentations. S’il est manifestement pour le casque, c’est aussi un scientifique, féru de modèles numériques (représentant en particulier la mécanique de la chute et du choc).
Interrogé en aparté il a volontiers admis qu’on ne savait que très peu de choses sur les mouvements qui précèdent le choc et que la position du cycliste sur son engin est un des facteurs essentiels à prendre en compte. Cycliste quotidien lui-même, il a admis qu’il ne portait pas le casque.
Si ses travaux ne servent qu’à améliorer les casques, il n’y a rien à quoi les cyclistes puissent s’opposer. Toutefois, le Pr Claude Got a démoli sa boutique en affirmant qu’il y avait peu à attendre d’une amélioration du casque en termes de protection.
Thierry SERRE, du laboratoire de biomécanique appliquée de l’INRETS, a examiné plus de 800 casques rapportés après accidents à des vélocistes partenaires qui s’engageaient à fournir un casque gratuitement à ceux qui leur rapporteraient le casque abîmé (la plupart étaient de marque « Giro »). L’analyse des impacts a montré que les chocs sont très nettement plus nombreux et plus importants sur les parties basses des casques que sur la calotte. Il semble que le nombre d’aérations influe légèrement sur la solidité du casque (sans qu’on puisse en déduire qu’ils protègent mieux ou non). Évidemment, on peut déplorer, là encore, de ne disposer d’aucun renseignement ou presque sur les circonstances des accidents.
En guise de conclusion, un casque dans la calotte duquel était fichée une pierre de la taille d’un œuf fut présenté à l’admiration du public.
Claude GOT est un cycliste de randonnée (et également un cycliste quotidien), et un expert renommé en sécurité routière, et il connaît plutôt bien les accidents de cyclistes qu’il a étudiés notamment au travers de la lecture et de la classification de centaines de procès-verbaux dans le cadre d’une étude malencontreuse sur la responsabilité des cyclistes dans les accidents mortels. De cette étude, largement commentée il conclut que 11 % des cyclistes tués sont tombés seuls, et 31 % ont été heurtés à l’arrière (il impute néanmoins la responsabilité au cycliste non éclairé dans 15 % de ces accidents), et environ 10 % de déports de véhicules ou de non-respect de la priorité. Il déclare que les cyclistes sont « plutôt » ou tout à fait responsables dans plus de la moitié des accidents mortels. Sans, là non plus, distinguer les pratiques.
Ces résultats sont stables dans le temps (il a réalisé la même étude en 1990 et en 2001/2003) Seule la proportion de chutes augmente parmi les types d’accident : il en conclut que la baisse des tués à vélo ces dernières années était essentiellement due à la baisse des vitesses pratiquées par les véhicules à moteur. Bien que fervent promoteur du port du casque qu’il met, dit-il, « même pour aller chercher du pain », il ne s’est pas exprimé au sujet de la loi sur le casque, et si on peut critiquer sa définition de la responsabilité des cyclistes dans les accidents, on peut compter sur lui pour reconnaître l’intérêt primordial de privilégier la sécurité primaire des cyclistes (éviter l’accident).
L’INVS (Institut national de veille sanitaire représenté par B. THELOT) paraît plus inquiétant en abordant le vélo seulement comme un risque sanitaire : ce sont eux qui ont lancé les campagnes pour le casque, et ils regrettent qu’elles aient dû être interrompues (selon eux pour ne pas compromettre le lancement de vélib’). Ils ont fait une étude épidémiologique limitée sur les accidents de vélo (pas d’échelle de gravité, pas de circonstances des accidents). Ce sont eux qui ont la mission de dire aux pouvoirs publics quels sont les risques pour la santé. Ils s’appuient sur l’étude dite « EPAC » (Enquête permanente sur les accidents) qui consiste à recueillir des éléments auprès d’un certain nombre de structures médicales réparties sur le territoire. Ainsi entre 2004 et 2007, sur 400 000 accidents, 13 000 impliquaient la présence d’un vélo (mais on comptabilise ici les accidents de réparation, ceux de chute du vélo sur un enfant ou du vélo stationné faisant chuter un passant, etc.). Dans ce contexte 90 % des accidents sont des chutes de cyclistes qui occasionnent des blessures à la tête dans 28 % des cas ces blessures étant bénignes dans 95 % des cas (plaies ou contusions).
L’INPES (Institut national de protection et d’éducation pour la santé) ne fait que mettre en œuvre les politiques de prévention et d’éducation pour la santé dans le cadre plus général des orientations de la politique de santé publique fixées par le gouvernement. Mais ces orientations doivent provenir des recommandations de l’INVS. Ils ont présenté une enquête sur les perceptions du risque et les bonnes pratiques à vélo, bonnes pratiques qui incluent le port du casque, et se demandent comment améliorer l’esthétisme, la fonctionnalité et le confort du casque et informer la population pour que les cyclistes le portent davantage. C’est curieux, c’est le même discours que celui de Mme Merli, la déléguée à la sécurité routière lors des journées d’études de la FUBicy.
L’UMRESTTE est une unité mixte de recherche de l’INRETS, de l’Université Claude Bernard de Lyon et de l’INVS. C’est elle qui a organisé la journée. Mireille CHIRON, Amina NDIAYE et Emmanuelle AMOROS ont présenté plusieurs analyses intéressantes à partir du registre du département du Rhône (registre des accidents constitué aux urgences), en distinguant (lorsqu’ils ont les données, soit dans 80 % des cas) : enfants, accident en milieu urbain ou en milieu rural (distingué par le numéro et la population de la commune où a eu lieu l’accident). Ils démontrent que les cyclistes sont moins souvent gravement atteints que les automobilistes, et que le port du casque n’a pas un effet significatif en ville. Une autre étude contrôlant aussi les accidents par zone, type de route, type de trajet, nature de l’antagoniste, prouve que le port du casque divise par trois la probabilité de blessures graves à la tête parmi les blessés hospitalisés. Mais les partisans du casque disent que l’effet est sous-estimé à cause des personnes qui n’ont pas été hospitalisées (grâce à leur casque) et ne sont donc pas prises en compte dans l’échantillon. Inversement, comme c’est une étude « cas-témoin », elle ne prend pas en compte la modification des comportements des cyclistes casqués (et des automobilistes à leur égard).
L’équipe Avenir PPCT de l’INSERM (Aymery CONSTANT et Emmanuel LAGARDE de Bordeaux) fait preuve de parti pris dans son analyse des travaux sur l’effet des lois rendant le casque obligatoire : les études de Dorothy Robinson sont selon eux biaisées par le fait qu’elle est contre ces lois, alors que les études qui montrent un effet de la loi sur les traumatismes crâniens seraient moins suspectes (en fait même ces études montrent que la loi ne réduit que faiblement le nombre de traumatismes crâniens, beaucoup moins que ce à quoi on pourrait s’attendre à partir des études cas-témoins (celle récente de l’UMRESTTE ou celle plus ancienne de la revue Cochrane).
Cette équipe propose d’améliorer les connaissances sur les effets du port du casque sur les comportements des cyclistes et des autres usagers de la route. Pour cela ils ont monté une expérimentation d’envergure dénommée « CASC » qui vise :
d’une part à repérer les effets de l’information ou de la fourniture d’un casque sur le niveau de port dudit ornement ;
et d’autre part à examiner les comportements des cyclistes et voir s’il y a des conduites différentes entre ceux qui portent un casque et ceux qui n’en portent pas.
Le premier point sera étudié en proposant à plusieurs échantillons de cyclistes empruntant pour une longue durée un vélo à la Maison du vélo (essentiellement des étudiants), soit un casque, soit une information sur le casque, soit les deux, soit aucun des deux, puis d’observer le taux de port de chacune des catégories en les repérant grâce à des caméras lors de la seconde partie de l’expérience.
Pour celle-ci sept lieux du centre de Bordeaux ont été équipés de caméras zénithales qui repèrent (grâce un logiciel intégré) les cyclistes entrant dans le champ et permettent de mesurer leur vitesse, leur position sur la chaussée (proximité du stationnement ou des autres véhicules) et d’observer leurs « prises de risques » avec l’aide d’une seconde caméra. Sur ce point, interrogés par Pierre Toulouse sur cette notion d’appréciation du risque, ils ont expliqué leurs présupposés : un comportement « à risque » des cyclistes c’est essentiellement ne pas respecter le code de la route et ne pas porter de casque. Alors qu’on leur faisait remarquer que la prise d’une rue à contresens hier interdite et aujourd’hui autorisée passe du statut de « conduite à risque » à celui de conduite normale, ils se sont dits confortés par une analyse des accidents sur le domaine de la CUB.
L’expérience devrait se dérouler au second semestre de cette année.
La table ronde finale n’a pas permis de lever les contradictions entre les différentes parties, mais a été heureusement modérée par Bernard LAUMON, directeur de l’UMRESTTE.
Les associations de cyclistes ont été délibérément écartées de la journée mais leurs représentants n’ont cependant pas été refusés, par souci de se concentrer sur le débat scientifique et de symétrie par rapport à l’AFTC, mais certains des présents ont néanmoins posé des questions (im)pertinentes.
Le besoin de données précises sur les différentes pratiques lors de la survenue des accidents fait partie des réflexions retenues à l’issue de cette journée qui n’a pas conclu à l’urgence de mesures coercitives en matière de port du casque.
Pierre Toulouse a fini par proposer la résolution suivante : Personne ne conteste que le casque puisse parfois préserver les cyclistes de blessures graves à la tête et les résultats des études « cas témoin » le confirment, même s’il y manque toujours la nature de la pratique au moment de l’accident. Toutefois, compte tenu d’une part des apports certains du vélo en terme de santé publique étant donné son statut d’activité physique, qui sont sans commune mesure avec les effets positifs du casque, et d’autre part des risques importants, même s’ils sont mal connus, d’effets pervers d’une loi le rendant obligatoire, il n’y a pas de raison de se presser dans cette direction. Obligera-t-on les baigneurs au port de la bouée sur les plages au prétexte que les noyades estivales sont nombreuses ?
À ce qui, bien entendu, se voulait une boutade, Bertrand Thélot de l’INVS se mit à répondre très sérieusement malgré les sourires de la salle, que la problématique n’était pas la même et que l’INVS connaissait bien le sujet des noyades et que… avant que Bernard Laumon ne le coupe, lui épargnant de sombrer dans le ridicule.
Bonjour,
Je suis contre l’ « obligation de casque », mais aussi contre la « promotion de casque », et contre la « recommandation de porter un casque » et autres « conseil de porter un casque », « pression sociale en faveur du casque » ou « pression juridique (assurances !) en faveur du casque » et finalement contre le casque lui-même, tout cela malgré le fait que j’en ai porté un pour tous mes trajets à vélo pendant plus d’une année. J’avais acheté un casque pour être raisonnable, être un bon exemple et réduire les risques, et je pensais qu’un vrai cycliste porte un casque et que mon cerveau doit être protégé.
J’avais cru les conclusions de la promotion professionnelle et du bon sens :
1. Il y a beaucoup d’accidents en vélo,
2. La plupart des accidents provoquent des blessures à la tête,
3. Le casque me protège contre ces dangers,
4. De toute façon le port du casque ne peut pas faire de mal,
5. Il faut être un bon exemple.
Comme c’était le tout début du casque de vélo en Allemagne, je voyais de plus en plus de cyclistes en porter un et il m’arrivait même de convaincre d’autres cyclistes de l’utilité du casque. Mais avec le temps j’ai eu de plus en plus de doutes sur le bien-fondé de ces arguments : en effet si je me protège avec le casque « contre les accidents », alors les voitures peuvent rouler plus vite, me doubler plus près et prendre « un peu » plus de risques, parce que je suis protégé ! Autant que je sache ce phénomène s’appelle « compensation des risques ». C’est alors que le doute surgit : suis-je vraiment plus en sécurité avec un casque que sans casque si les risques sont compensés par le comportement des conducteurs ? Dois-je me sacrifier pour que les conducteurs de voitures arrivent plus tôt à leur destination ? Ne serait-il pas plus judicieux de réduire la vitesse des voitures ?
Un jour je n’ai pas retrouvé mon casque. J’ai eu beau le chercher partout, il avait disparu. Je me sentais mal à l’aise de rouler sans casque, mais avec le temps je me suis mis à profiter de la liberté, plus besoin de garder le casque quelque part, d’y penser, de faire attention de ne pas l’oublier. Depuis, je roule sans casque et je suis de plus en plus convaincu que c’est une bonne chose.
Dès mon arrivé à Paris j’ai vu que la culture était différente : « un cycliste est un sportif », « le vélo est dangereux », « le vélo est fait pour se promener à la campagne », « vélo = Tour de France ». Bien que j’aie adhéré à MDB pour « me promener à la campagne », j’ai finalement commencé à lutter pour que l’image du vélo en Île-de-France évolue vers « vélo = déplacement pratique ».
Entre autres, la question du casque et l’obligation du casque en Australie m’a motivé pour étudier plus en détail ce sujet, et j’ai commencé à douter du bon sens de la formule « le port du casque ne peut pas faire de mal ».
J’ai lu le dossier de la Fubicy, de la documentation anglophone et germanophone et mes conclusions ne laissent pas de doute : « le port de casque fait du mal ! » Il fait du mal au cycliste qui le porte, il fait du mal à tous les autres cyclistes et il fait du mal à la société. Les seuls qui en profitent sont l’industrie, Décathlon et Go Sport.
Pour reprendre les cinq points de la promotion du casque :
1. Il y a beaucoup d’accidents en vélo :
Totalement faux, c’est légèrement plus dangereux que de se déplacer en voiture. Les activités quotidiennes les plus dangereuses sont descendre les escaliers et faire des travaux domestiques. Pourquoi ne pas porter de casque dans la cuisine et dans les escaliers ?
2. La plupart des accidents provoquent des blessures à la tête :
Ici aussi, les statistiques parlent contre cette thèse. Les blessures à la tête sont rares et très souvent combinées avec des blessures mortelles dans d’autres parties du corps. Plus de 80 % des blessés à la tête sont des passagers de voitures, après viennent les motards et ensuite les piétons et cyclistes, pourquoi pas de casque pour les passagers des voitures et les piétons ?
3. Le casque me protège contre ces dangers :
Tout d’abord : le casque n’évite pas des accidents, il pourrait être le dernier maillon si toutes les mesures de sécurité routière échouent. Deuxièmement : les normes des casques de vélo n’assurent pas du tout une protection du cerveau. Un casque est fabriqué pour absorber l’énergie d’un objet de 5 kg (= tête) qui touche le sol ou un mur à une vitesse de 25 km/h, si on calcule l’énergie qui absorbe le casque le résultat est 147 joules. Pour cela les constructeurs écrivent « jusqu’à 25 km/h ». Mais attention : si la tête est déjà séparée du reste du corps le casque n’a plus d’utilité. […]
4. De toute façon le port de casque ne peut pas faire de mal :
Erreur !
a) Il augmente le risque d’accident pour l’individu : mon impression est que les porteurs de casque – surtout les jeunes porteurs – prennent plus de risques quand ils portent un casque. Par ailleurs les conducteurs de voitures frôlent d’encore plus près (voir l’étude de Ian Stewart) et mettent plus en danger les « casqués » que les « non-casqués ». C’est la psychologie du trafic qui joue son rôle, on adapte son comportement aux dangers discernés dans une situation donnée. […]
b) Il augmente indirectement le risque pour les autres cyclistes : chaque cycliste avec casque fait une promotion du casque de vélo et en même temps souligne l’image de dangerosité du vélo urbain. Il augmente ainsi le nombre de citoyens qui renoncent au vélo, et cela a deux effets pervers : il y aura plus de voitures/motos/taxis donc plus de danger dans les rues et il y aura moins de cyclistes dans la ville donc plus de danger pour les cyclistes restants. Il s’est avéré que dans les villes avec beaucoup de cyclistes il y a moins de risques à se déplacer en vélo. […]
c) Plus il y a de cyclistes casqués plus nous nous rapprochons d’une obligation du port du casque par la loi ou une obligation « de fait » par les assurances et les tribunaux qui jugeront « risqué » de rouler sans casque. […]
Les conseils de la prévention routière « Le casque n’est pas obligatoire, mais indispensable » poussent dans le même sens : « Ne faites pas de vélo, c’est trop dangereux. » Ils devraient dépenser leur argent ailleurs.
5. Il faut être un bon exemple.
À l’époque où je portais un casque je me suis considéré comme un bon exemple, c’est fini, le casque fait du mal. Je « tolère » les cyclistes qui portent un casque, mais je ne les considère plus comme un bon exemple. Le mieux serait en fait un casque invisible.
Bonne route !
NDLR. À MDB nous partageons la plupart des arguments de Sören, seule la partie sur l’efficacité du casque est discutable : si le casque ne protège certes pas autant que l’on pourrait le souhaiter il remplit néanmoins son rôle de façon correcte lorsqu’il s’avère utile.
Une lettre de la présidente de la FUBicy (Fédération des Usagers de la Bicyclette)
à M. Pierre GOGIN
FPS – Fédération Professionnelle des Entreprises du Sport et des Loisirs
124 boulevard Haussmann, 75008 Paris
Strasbourg, le 25 Août 2005
Objet : campagne « jamais de vélo sans casque »
Copie à :
A. Goetzmann, président du Comité de Promotion du Vélo, 79 rue J.J. Rousseau, 92158 Suresnes Cedex
Y. Claude, président du directoire Décathlon, 4 bd de Mons, BP 299, 59665 Villeneuve d’Asq Cedex
P. Wargnier, directeur général de Go Sport, 17 avenue de la Falaise, 38360 Sassenage
Monsieur le président,
Je voudrais, au nom de la FUBicy, vous interpeler par ce courrier au sujet de la campagne de promotion du casque que vous avez engagée en mai 2005. Nous voudrions vous alerter sur les effets pervers prévisibles de cette action, qui pourrait s’avérer très contre-productive tant pour le développement du vélo que pour la santé publique. Dans cette campagne, vous ne faites en effet aucune distinction entre les pratiques sportives, et les simples déplacements à vélo à vitesse modérée, alors que les risques d’accidents sont radicalement différents dans les deux cas.
Contrairement à des préjugés très répandus, le port du casque cycliste n’est pas pertinent pour résoudre le problème de l‘ insécurité routière, cette insécurité n’étant d’ailleurs, en moyenne, pas plus marquée pour les cyclistes que pour les piétons. Par contre, effrayer les usagers potentiels en faisant croire qu’il serait très dangereux de se déplacer à vélo sans casque détournera de la pratique du vélo une fraction significative des usagers. Vous vendrez probablement plus de casques, mais moins de vélos…
Or, une désaffection pour le vélo aurait un impact négatif au niveau santé publique. L’effet bénéfique d’un exercice physique modéré mais régulier est prouvé par plusieurs études cliniques, et nous soulignons que ces effets bénéfiques surpassent largement les risques d’accident de la circulation (source : OMS). Enfin, une baisse du nombre de cyclistes aurait un impact négatif sur leur sécurité : tous les bilans Sécurité Routière, dans de nombreux pays européens, montrent une corrélation assez nette entre l’augmentation du nombre de cyclistes, et la baisse du taux d’accidents.
Pour vous convaincre de ne pas prendre ces affirmations à la légère, nous attirons votre attention sur les faits suivants :
La FUBicy a jusqu’à présent apprécié de pouvoir agir de concert avec le Comité de Promotion du Vélo, dont la FPS est membre comme nous, dans le respect des compétences de chacun, pour faire ensemble progresser la pratique du vélo sous toutes ses formes. Aussi, nous nous permettons d’insister pour que vous respectiez la spécificité des pratiques non sportives du vélo, et que vous teniez compte des éléments exposés ci-dessus pour mieux cibler votre campagne casque en direction des seules « pratiques à risques ».
Nous sommes à votre disposition si vous avez besoin de plus de précisions sur nos sources de données, et de chiffres ou explications supplémentaires. Nous sommes également prêts, si vous le souhaitez, à examiner ensemble comment adapter les messages que vos adhérents peuvent transmettre aux différentes catégories de cyclistes pour améliorer leur sécurité.
Dans l’attente de votre réponse, veuillez agréer, monsieur Gogin, l’expression de mes salutations les plus cordiales
Monique Giroud, présidente de la FUBicy
Par Abel GUGGENHEIM
Débat sur la liste de diffusion vélo de la FUBicy en juillet 2002
Que pensez-vous de la proposition de rendre le casque obligatoire pour les cyclistes ? Est-ce un plus, qui rendrait les déplacements à vélo moins dangereux, ou un frein car une contrainte supplémentaire ?
Je porte un casque, ça ne me changera guère… Deux cyclistes m’ont raconté leur traumatisme crânien avec coma, à cause de l’absence de casque, ça convainc rapidement.
Moi, je trouve le casque très joli. L’hiver, il me protège du froid et l’été du soleil. Circulant en vélo couché, j’apprécie d’avoir mon crâne signalé aux voitures assassines.
Patrick Ricou
Porter sur la tête du polyuréthane recouvert d’une couche plastique rassure le cycliste : comme dit un curé de mes amis, prier ne fait pas de mal. Mais si une voiture le percute ou qu’un camion lui passe dessus, le cycliste n’évite pas les dommages causés par une tonne lancée à 50km/h ou plus.
Dans une forêt en VTT, un casque permet d’éviter les blessures avec des branches basses.
Semblant se préoccuper des accidents de la route, politiciens et bureaucrates rendent les victimes cyclistes responsables de leur sort. Si ces « décideurs » faisaient observer le Code de la Route, si les chauffards imbibés étaient réprimés, si les aménagements étaient faits après dialogue avec les associations, il y aurait beaucoup moins d’accidents.
Carlos Klimann
Il serait inadmissible que les députés votent une loi sur l’obligation du port du casque sans demander notre avis.
Commençons par attaquer les VRAIES causes de l’insécurité routière: vitesse, alcool au volant, drogue, médicaments, comportements à risques comme les dépassements trop proches des cyclistes, …
Personnellement je porte le casque mais c’est un choix individuel. J’avoue que quand il fait chaud c’est pas terrible ! En tout cas si je porte le casque pas question de l’imposer car ceci aurait un effet négatif sur la pratique du vélo en ville.
Pierre Virlogeux
On veut faire notre bien malgré nous. Mon cerveau, non casqué, avait mal réagi à l’affiche placardée chez mon vélociste, qui disait : « Les cerveaux intelligents portent un casque ».
Parmi les nombreux articles parus suite à la campagne en faveur du casque , celui du 10 juin 2002 du « Quotidien du Médecin » parle d’une « campagne de PRÉVENTION des accidents à bicyclette », alors qu’il ne s’agit évidemment pas de prévention. Ce journal médical parlerait-il de PRÉVENTION des accidents en voiture à l’occasion d’une campagne en faveur de l’installation d’ABS ou d’air-bags?
Abel Guggenheim
Je doute que les initiateurs de cette campagne connaissent les problèmes de sécurité à vélo. Il faudrait les rencontrer pour leur expliquer nos arguments.
Totalement opposé au port obligatoire du casque, je suis par contre très favorable au casque pour les jeunes enfants transportés par un adulte
La sécurité à vélo passe aussi par la capacité à bouger rapidement la tête, pour laquelle les sangles du casque jouent un rôle plutôt négatif.
François Fatoux
Quitte à rendre obligatoire quelque chose, le rétroviseur pour les cyclistes urbains serait plus pertinent. Cet instrument, qui permet d’éviter les mouvements brusques de la tête, m’a épargné au moins trois accidents.
Les coureurs automobiles portent un casque, pas les automobilistes en ville. Pourquoi n’en serait-il pas de même à vélo ? Casque obligatoire pour les situations à risque (courses, VTT…), pas pour la ville.
En termes de santé publique, si le souci est la baisse du nombre de traumatismes crâniens dus à la circulation routière, il faut imposer le casque en voiture!
Emmanuel Grenier
Il faut être ferme et exigeant sur la nécessité du casque pour les enfants entre 4 ans (quand ils passent au vrai vélo) et 8 ans, lorsqu’ils ont les réflexes adéquats et la force musculaire nécessaires pour se protéger la tête.
Même remarque pour les pratiques sportives hors cadre organisé, comme les gamins qui s’amusent en VTT, BMX et autres.
Erick Marchandise
D’accord pour recommander le casque aux enfants, qui ont de toute façon une conduite à risque dans la vie en général, mais pas pour une obligation de porter le casque pour les moins de x ans
Je souhaite que la FUBicy prenne officiellement position, surtout s’il est question d’un projet de loi!
Fabienne Vansteenkiste
Une position officielle de la FUBicy contre le port du casque serait jugée irresponsable. Imaginez le Club alpin prenant la même position en montagne : si un grimpeur a le crâne fracassé par un caillou qui tombe de 300m, bonjour le procès. Idem pour le vélo.
Certes le casque a son effet pervers : certains parents anxieux casquent leur rejeton dés qu’il marche, et il ne prend pas la mesure des choses qui l’entourent.
Patrick Ricou
La FUBicy ne serait pas plus irresponsable que la British Medical Association qui, sur la base de plusieurs études scientifiques, a pris la même position en 1998 : d’après une étude de 1987 à 1991, les cyclistes tués n’ont pas plus de traumatismes crâniens que les autres victimes d’accidents de circulation (les accidents à vélo se soldent en ville surtout par des traumatismes des membres), et la majorité des décès sont à causes multiples (crâne ET colonne vertébrale ou cage thoracique)
Pour traiter le mal à sa source, la Grande-Bretagne s’est engagée dans un politique de modération de la vitesse et du trafic et, curieuse coïncidence, a 2 fois moins de tués sur les routes que la France.
Dans les pays qui ont rendu le casque obligatoire, la baisse du nombre de traumatismes crâniens n’a pas été plus importante que celle du nombre de cyclistes. Le port du casque semble être compensé par « l’effet ABS », c’est-à-dire l’impression de sécurité donnée par le casque, qui peut induire une baisse de vigilance ou une conduite à risques.
Monique Giroud
J’ai assisté en 1999 à l’accident d’un copain : nid de poule en descente, cycliste roulant à 30 km/h passant par-dessus son vélo, quelques éraflures au visage et coude cassé. Pompiers, médecins, infirmiers lui ont tous demandé s’il avait un casque, ce qui n’aurait pourtant rien changé, peut-être juste évité les éraflures.
J’ai acheté un casque et l’ai mis une dizaine de fois pour mes trajets quotidiens Nanterre-Paris. J’ai rapidement vérifié sur mon propre comportement ce fameux « effet air-bag » : un usager de la route roule toujours à risques constants. Je suis un cycliste rapide, mais relativement prudent. Or j’ai arrêté de mettre mon casque pour la raison suivante : quand je suis casqué, je suis casse-cou ! Je continue cependant à mettre le casque sur les routes de montagne.
Thomas Lesay
C’est l’« homéostasie du risque » (conduite à risque constant): plus les dispositifs de sécurité sont importants, plus le sentiment d’insécurité diminue et donc plus la prise de risque augmente.
Aucune étude sérieuse n’existe sur l’efficacité du casque. Les protections individuelles sont l’alibi pour les élus qui ne veulent pas modifier leur mode de pensée.
Alors que la vitesse ou l’infraction de l’automobiliste (par exemple doubler à moins d’1m) est difficile à établir, c’est facile de mentionner sur un PV un cycliste accidenté sans casque.
Pierre Solviche
Cela permettrait aux assureurs et automobilistes de rendre les cyclistes responsables des accidents : un cycliste sans casque demande à être renversé, n’est-ce pas! Et plus besoin de faire attention aux cyclistes, puisque, casqués, ils ne risquent plus rien!
À quand le casque pour les piétons? Et pourquoi pas des airbags incorporés dans les vêtements de marche?
Une contrainte supplémentaire, c’est moins de cyclistes. Donc non au port obligatoire du casque en ville.
Libre a ceux qui roulent sur les routes d’en porter un. Passer par-dessus le guidon a 70 km/h, mieux vaut protéger le crâne. Rouler pépère en ville, le crâne n’est pas plus exposé que le reste.
Martin Sheffield
Les cyclistes ont un comportement proportionné au risque qu’ils prennent : les fédérations sportives recommandent le casque et, à l’inverse, la majorité des cyclistes urbains n’en porte pas.
Depuis 1996, la politique favorable au vélo à Paris a entraîné une croissance spectaculaire du nombre de cyclistes. Beaucoup des nouveaux venus auraient renoncé au vélo s’ils avaient vu les autres porter un casque. Chaque cycliste urbain casqué valide l’affirmation qui hérisse le poil de beaucoup d’entre nous : « tu circules à vélo, c’est dangereux! »
Abel Guggenheim
Il y a 10 ans, dans une file de voitures arrêtées que je double, un véhicule plus haut que les autres me masque le débouché d’une rue et la voiture qui en sort en ayant priorité. Je la percute, ma tête heurte le macadam, bilan 24h en observation à l’hosto. Si c’avait été une bordure de trottoir c’aurait été beaucoup plus grave.
Depuis je fais plus attention, mais ne m’estime pas à l’abri d’une chute, et je porte un casque la plupart du temps. Malgré ce choix -personnel- je suis opposé à toute mesure d’obligation.
Hervé Fagard
Je ne suis pas pour rendre le casque obligatoire, mais je voyais cette mesure inévitable, dans le cadre du nivellement sécuritaire européen. Roulant parfois à 50-60 km/h à vélo couché, je recommande évidemment le casque. Mais je le laisse au garage quand je vais chercher mon pain.
Patrick Ricou
Nivellement européen par le bas ou par le haut ? Le casque n’est pas obligatoire au Danemark, en Hollande, en Allemagne, en Suisse, en Grande-Bretagne, où la pratique du vélo est plus répandue et où les victimes d’accidents de la route sont moins nombreuses qu’en France. Je ne pense pas que ce soit un hasard…
Plus il y a de vélos, plus les automobilistes s’attendent à en rencontrer, moins il y a d’accidents. Inversement, la baisse de la pratique du vélo urbain est un facteur défavorable en matière d’accidentologie et présente un bilan négatif pour la santé (risques cardio-vasculaires, pollution, obésité) .
Monique Giroud
Par Xavier CHAVANNE et Pierre TOULOUSE
Ce printemps 2002 un message publicitaire télévisé, commandé par l’Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé, proclamait que : « A vélo, le casque n’est pas obligatoire, il est simplement indispensable ». Mais du caractère indispensable à l’obligation de port, il n’y a qu’un pas et cela n’a pas échappé aux associations de promotion de la bicyclette.
Existe-t-il vraiment un enjeu de santé publique sur ce sujet ou faut-il y voir un effet « sociologique » lié au déni par une majorité (les automobilistes) de l’existence des minorités, s’exprimant par une envie de réglementer celles-ci (pour mieux éviter peut-être d’évoquer sa propre responsabilité…) ?
Les associations cyclistes (FUBicy, MDB,…) se sont prononcées contre l’obligation du port du casque. Elles ne nient pas que dans certains cas (pour les très jeunes, les sportifs) le casque peut être utile mais son action en général est limitée, au contraire de la ceinture pour les automobilistes. Par contre il peut dissuader certains cyclistes d’utiliser le vélo quotidiennement. En outre le cycliste casqué peut éprouver un sentiment excessif de sécurité et prendre des risques inconsidérés.
Au MDB nous pensons que le casque est surtout une affaire personnelle. Pour que chacun se fasse son opinion, ce dossier présente de la manière la plus objective possible des données relatives à la pratique du vélo et ses risques, ainsi qu’à l’impact du port du casque. Ce genre de données est difficile à obtenir, souvent fragmentaire et même contradictoire. Nous sommes toujours preneurs de données supplémentaires, au moins aussi précises et fiables.
Les accidents à la tête concernent les fractures du crâne, les dommages internes et faciaux. Le casque est sensé protégé de tout cela, ce qui n’est que partiel pour le visage. En outre il n’est efficace que si les courroies sont correctement serrées (ce qui rend son port contraignant). En aucun cas le casque ne protège des chocs contre le cou, l’épine dorsale et en particulier contre le risque de paralysie (comme la tétraplégie).
Une étude de l’observatoire des déplacements à Paris en 1997 consacrée à la sécurité des cyclistes mettait en évidence :
Que la gravité des accidents de vélos est inférieure de près de moitié à celle de l’ensemble des accidents (5 blessés graves ou tués pour 100 accidents contre 11 en moyenne).
Que 30 % des 456 victimes cyclistes étaient blessés à la tête et que la moitié de ces blessures concernaient le crâne, quelle que soit la gravité.
Ces chiffres sont à manier avec précaution tant est délicate la notion de gravité et diverses les échelles pour la qualifier. Ils permettent toutefois de confirmer la faiblesse de l’enjeu.
Dans notre dossier sur la sécurité des cyclistes à Paris nous montrions que sur les 24 cyclistes tués ces dix dernières années le tiers ont été écrasés par des poids lourds et un autre tiers ont été heurtés (en général par l’arrière) par des véhicules circulant rapidement. Dans ces deux cas, le casque n’aurait servi à rien pour sauver les victimes (ou n’a servi à rien puisqu’un des cyclistes tués au moins portait un casque). Dans les autres cas, il est en revanche possible que le casque ait pu sauver ; parmi ces derniers cas, on trouve au moins deux cas d’accidents de type « cyclo-sportif » (chute de cyclistes rapides) et un cas où il est avéré que le cycliste qui poursuivait une voiture est tombé seul à vive allure. Sans que ces éléments puissent avoir une valeur statistique, ils montrent que le casque ne sauve que rarement mais il peut sauver.
En France, sur l’année 2000, environ 35 % des 250 cyclistes tués sont morts à cause d’un choc à la tête.
L’Australie a été le premier pays à rendre obligatoire le port du casque, à partir de 1990, suivie par différents états des États-Unis (20 états en 2001). Par contre les îles Britanniques, dont les habitants ont un comportement proche de ceux des Australiens, ne l’a pas rendu obligatoire. Cette « expérimentation » a donné lieu à des statistiques qui peuvent juger de l’effet du port du casque. Certaines sont disponibles sur l’Internet. Pour ce dossier, trois sources ont été consultées :
Le port du casque a été imposé sous la pression des médecins, qui avaient constaté que les blessures au niveau de la tête représentaient une faible part (10 %) des blessures nécessitant des soins, mais une part importante des admissions à l’hôpital (40 %) et des morts (70 %). Ils constataient aussi que les enfants et les adolescents avaient plus de probabilité d’avoir un accident à vélo, du fait de leurs pratiques souvent à risque et du fait qu’ils étaient nombreux à utiliser le vélo (aux États-Unis en 1975, 68 % des cyclistes tués avaient moins de seize ans).
Dès la première année de la législation australienne, un comptage dans quelques villes comme à Perth (côte ouest) a montré que le nombre de cyclistes avait diminué d’environ 30 %. Ce nombre est revenu peu à peu à son niveau précédent pour le dépasser à partir de 1999 (en 2000, la principale association de Canberra, Pedal Power, comptait plus de 1000 adhérents sur une population de moins de 300 000 habitants). Les Australiens se sont habitués à porter le casque, mais cela n’a pas été sans peine. Au début des années 90 la baisse, constatée aussi bien pour des déplacements utiles que ludiques, a surtout concerné les enfants et adolescents. La campagne pour le port du casque a fait percevoir le vélo comme un moyen de déplacement risqué. Les parents se sont inquiétés pour leurs enfants et, plutôt que de les laisser aller en vélo à l’école, les ont accompagnés en voiture.
Et pourtant l’incidence du port du casque sur le taux d’accidents à la tête est faible : en 1991, 39 % des cyclistes admis dans les hôpitaux de l’état d’Australie de l’Ouest (qui a rendu le casque obligatoire en 1992) ont des blessures au niveau de la tête ; en 1994 ce taux est de 35 %. Sur les trois années précédant l’obligation du port du casque, 767 cyclistes ont été hospitalisés pour une blessure à la tête contre 665 pour les trois années suivantes. Si on tient compte de la réduction du nombre de cyclistes entre ces deux périodes, le nombre d’accidents à la tête n’a pas vraiment diminué, il aurait même tendance à augmenter. Les autres blessures desquelles le casque ne protège pas sont en augmentation encore plus nette. Cette augmentation s’est poursuivie après 1992 : les admissions annuelles, toutes blessures, de cyclistes sont passées de 640 en 1993 à 840 en 1999. Il n’y a pas de données sur l’évolution du nombre de morts durant cette période pour l’Australie de l’Ouest et donc on ignore si ce nombre a suivi la même augmentation (pour information, aux Etats-Unis le nombre de cyclistes tués est passé de 1000 en 1975 à 750 en 1999). Ces données semblent montrer que, si le port du casque a réduit la gravité de certains accidents, il n’a pas empêché l’augmentation de leur nombre. Cette augmentation est très probablement due à celle du trafic automobile dans les années 1980 et 1990, en même temps que le nombre de cyclistes diminuait, tendances observées dans presque tous les pays développés.
Or plus la blessure est grave, plus il y a de chances qu’elle soit due à une collision du cycliste avec un véhicule motorisé (c’est le cas, d’après le site américain, pour 90 % des accidents mortels à la fin des années 1980). Le trafic motorisé semble avoir une influence plus grande que le port du casque sur la sécurité des cyclistes. En Hollande, où le taux de cyclistes accidentés est le plus faible, le port du casque n’est pas obligatoire : les aménagements vélos, nombreux et adaptés, et la part importante des déplacements en vélo protègent plus efficacement que le port du casque.
Au vu de l’expérience australienne, le corps médical britannique a en 1999 recommandé que le port du casque soit conseillé mais pas obligatoire. Une de ses motivations a été de ne pas décourager la pratique d’un mode de déplacement si bénéfique à la santé, en particulier pour les enfants : à cause du manque d’exercice physique, le taux d’obésité des enfants des pays développés est en nette augmentation depuis le début des années 1990, en particulier dans des pays comme les États-Unis et l’Australie. Le danger de faire du vélo est plus supposé que réel, même sans casque : d’après un organisme américain (Failure Analysis Associates), il y a 0,26 mort pour 1 million d’heures de pratique du vélo, c’est-à-dire que l’espérance de vie d’un cycliste « permanent » est de 439 ans. Le même site donne 13 ans pour un motocycliste « permanent ».
Le port du casque a permis de sauver des vies. Il est recommandé de le porter (en particulier pour les enfants et les sportifs) à condition de le mettre correctement. Mais son effet sur la sécurité des cyclistes n’est pas le plus important. Si les pouvoirs publics ont la volonté d’améliorer cette sécurité, plutôt que de rendre le port du casque obligatoire, ils seraient mieux avisés d’augmenter le nombre et la qualité des aménagements cyclables et de promouvoir l’usage du vélo : plus le nombre de cyclistes sera important, mieux ils seront pris en compte sur la route et plus leur (mal)chance d’avoir un accident sera faible. Ils devront agir aussi sur le comportement des automobilistes qui ont certainement un impact plus important sur la sécurité des cyclistes que le port du casque lui-même.