Depuis quasiment un an et pour ce qui concerne la voirie, nous sommes systématiquement déçus par la ville de Nogent-sur-Marne. La ville subventionne et soutient le vélo sur certains des volets de son plan vélo et nous l’en remercions encore. En revanche, elle ne cesse d’échouer quand il s’agit d’avancer sur des éléments structurants : études de plan de circulation, déploiement de zones de rencontre et autres éléments d’infrastructure cyclable et de ville apaisée et à vivre.
Le chaucidou originel
Tout a commencé avec le déploiement d’un « chaucidou » ou CVCB sur la rue de Nazaré. Pour la faire simple : les rives ne sont pas de la bonne largeur, elles comportaient des pictogrammes vélo qui sont normalement réservés aux seules bandes cyclables et la voie centrale banalisée autorise le passage à deux voitures de front. Ce déploiement était lié à la remise en double sens de la rue, passée en sens unique pendant un temps, afin de limiter le trafic de transit.
Ce retour en arrière allait d’ailleurs à l’encontre de la fermeture de la bretelle d’accès au pont de Nogent, validée par la ville dans le cadre des travaux de remise en conformité de la passerelle de Nogent et de la future piste cyclable menant à la gare RER E. Nous avons fait contre mauvaise fortune bon coeur en suggérant des améliorations au directeur des services techniques de la ville, nouvellement arrivé.
L’art de ne pas écouter les experts d’usage
Si les pictogrammes vélo ont bien été recouverts de peinture noire et quelques potelets placés pour supprimer le stationnement sauvage, nos autres suggestions n’ont jamais été implémentées après notre rendez-vous il y a bientôt un an :
- l’élargissement de l’écluse mise en place sur le tronçon ouest afin de rendre possible le passage d’un vélo cargo tout en forçant la réduction de vitesse sur la voie motorisée centrale,
- la mise en place d’une seconde écluse, sur le tronçon est, avant le virage sous le pont de Nogent, afin de forcer là-aussi la réduction des vitesses des motorisés, le virage étant sans visibilité et identifié comme dangereux par les forces de police de la ville,
- la mise en sens interdit du passage sous le viaduc, afin de couper le trafic de transit en provenance du Perreux, principale source de nuisances pour le quartier du port,
- la protection de la rive intérieure du virage, les automobilistes ayant la fâcheuse tendance de couper les trajectoires.



Autrement dit, tout a été fait pour faciliter le trafic de transit et surtout ne pas le limiter ou le contraindre. L’argument de protection de la ville et de ses habitants des nuisances extérieures n’a pas été entendu. Notre nouvel interlocuteur, admettant volontiers ne pas y connaître grand chose au vélo, était-il d’ores et déjà en désaccord avec les mesures de réduction de la place de la voiture et du trafic de transit ? Nous ne voulions pas conclure prématurément.
On enterre bien les plans vélo
Depuis, rien n’a changé et surtout, tout a traîné. Le plan vélo de la ville lancé en 2022 (!) n’a pas avancé, bloqué par ce même directeur, qui a remis en cause l’intégralité du rapport présenté par BL Evolution, allant même jusqu’à vouloir les faire retravailler leur ouvrage. Celui-ci était pourtant satisfaisant d’un point de vue mobilités actives, sans être révolutionnaire. A force de temps perdu, la ville a fini par décider de s’asseoir sur une bonne partie de ce plan vélo et de se focaliser sur deux axes à traiter en priorité, un pis-aller réaliste au vu des échéances de 2026, que nous avons applaudi tièdement tout en faisant des recommandations et demandes complémentaires. C’était en janvier 2024.
Ces deux axes font le lien avec les travaux du nouveau marché de Nogent-sur-Marne, à savoir de la gare RER E jusqu’au marché en passant devant la mairie ; puis du marché au boulevard de Strasbourg via le boulevard Gallieni. Sur ces deux axes, l’implantation de pistes cyclables est possible, en reprenant devant la mairie une part du large espace disponible et sur Gallieni, en supprimant un sens de circulation. Le cabinet en charge de l’assistance à maîtrise d’ouvrage a finalement été nommé et est censé être en train de plancher sur le premier tronçon. Nous n’avons à date pas été consultés et, soyons clairs, nous sommes prudents, pour ne pas dire méfiants.

Maîtrise artistique : 10/10
Revenons-en au marché et aux lourdes conséquences sur la circulation des travaux de destruction et de construction en cours, autour de la rue des Héros Nogentais et du boulevard Gallieni. C’est là qu’intervient une nouvelle fois la question qui fait office de titre de notre article ! On est dans l’oeuvre d’art, dans la maîtrise de la voirie la plus pure. Voici qu’apparaît une « zone de rencontre » sur la rue des Héros Nogentais, avec tout de même un cheminement piéton sur les bords (!), le maintien des trottoirs avec stationnement sans verbalisation (!), le maintien des passage-piétons (!), l’ajout de pseudo ralentisseurs en plastique idéaux pour nous faire chuter (!). Y a rien qui va, comme dirait l’autre.
Personne ne comprend rien, personne ne s’arrête pour laisser priorité aux piétons. Surtout, personne ne s’est attaqué au principal problème avant de tenter de déployer cet aménagement qu’est la zone de rencontre : le trafic de transit. La rue des Héros Nogentais et la Grande Rue Charles de Gaulle, par ailleurs elle aussi « zone de rencontre », sont des axes de transit. Or, pas besoin d’avoir fait polytechnique mais simplement d’avoir un peu de culture voirie et circulation pour savoir qu’une zone de rencontre en zone de transit, ça ne fonctionne tout simplement pas. Si vous ne nous croyez pas, amusez-vous à déambuler sur ces deux rues en tant que piéton.






Nogent a un bon transit
Vous pensez que c’est terminé ? Loin de là. Quelques modifications ont été apportées au plan de circulation de Nogent-sur-Marne, à priori toujours en lien avec les travaux du marché. Plutôt que d’aborder le problème de la coupure de Gallieni comme une opportunité de réduire le trafic de transit dans la ville, la direction de la voirie s’est engagée dans un travail de sacrifice des rues résidentielles en les reconfigurant pour y favoriser le transit, au détriment de leurs habitants et des usagers vulnérables, piétons et cyclistes.
Une première section de la rue de Plaisance a été inversée, favorisant l’utilisation déjà importante de cette rue comme un axe de transit sud-nord et supprimant une priorité à droite qui sécurisait un passage-piéton, au détriment du plan vélo qui prévoit justement l’apaisement de cet axe, au détriment également de la sécurité des piétons en zone coeur de ville. Là où une boucle de circulation moins favorable existait entre Plaisance / Lequesne / Thiers / Gallieni, il a récemment été décidé de faire plus court et plus « fluide » avec un parcours direct Plaisance / Lequesne / Gallieni, favorisé par les STOP placés sur les deux tronçons en tête-bêche de la rue Thiers.



L’indigo, quelle belle couleur
C’est en soi problématique, mais c’est en plus ridicule puisque nous avions eu il y a quelques semaines un échange satisfaisant avec les équipes des services techniques, en vue de transformer une place de stationnement payant en stationnement vélo, dans le cadre de la mise en conformité des passages piétons avec la loi LOM. Dans l’ancien sens de circulation de ce tronçon de la rue Thiers, il fallait en effet supprimer cette place afin de rendre visible le passage piéton.
Dans le nouveau sens de circulation, ce n’est pas nécessaire et la rue Thiers, sans tête-bêche, devient une zone d’accélération quand le feu tricolore est vert. Bon courage pour le double-sens cyclable. C’est aussi une place de stationnement payant, en délégation de service public, perdue, qu’il va falloir compenser à Indigo ou recréer ailleurs. Heureusement que le ridicule ne tue pas.



Il faut sauver le soldat VIF
De nouveaux échanges sont prévus dans le cadre du réseau VIF (Vélo Île de France) où nous sommes dans une situation de blocage de calendrier du côté du département. Le boulevard de Strasbourg sera à terme requalifié avec une piste cyclable de 4 mètres de large mais pas avant 2027. Or, la région Île de France souhaite mettre en service la ligne V4 d’ici à 2025. Nous avons, avec les services techniques de la ville, le Collectif Vélo Île de France, le département et la région, trouvé une solution bis qui pourrait satisfaire toutes les parties et par ailleurs faire de la ville la sauveuse de la ligne.
Cet itinéraire bis implique de revoir le plan de circulation de la rue Théodore Honoré et de la rue de Plaisance, qui servent aujourd’hui d’axes de transit automobile. Cela permettrait de rendre possible la circulation cyclable de la ligne VIF V4, tout en traitant deux rues faisant partie du plan vélo, gratuitement pour la ville. Mieux, l’apaisement de ces rues permet de sécuriser les accès aux écoles Paul Bert et Guy Môquet, au collège Watteau et au lycée Louis Armand.
Un avant/après douloureux
Il est grand temps de comprendre qu’il faut pénaliser le trafic de transit et arrêter de déployer des aménagements ratés. Autrement dit, faire tout le contraire de ce qui a été fait par le directeur des services techniques depuis sa prise de poste. Nous avions engagé avec son prédécesseur un travail de co-construction et par exemple commencé à supprimer les coussins berlinois en plastique de la ville. C’est un chantier qui n’avance pour ainsi dire plus depuis son départ.
Pour ce qui est du VIF et de la rue Théodore Honoré, notre nouvel interlocuteur va-t-il, après avoir réussi à quasiment enterrer le plan vélo et la sécurité des cyclistes et piétons nogentais, sacrifier également les parents et enfants de la ville ? Nous aurions pu ne pas prendre la plume de façon aussi véhémente et attendre un prochain « comité vélo » ; sauf que celui-ci, également recommandé par BL Evolution, n’a jamais été mis en place. Une gouvernance ? Quelle gouvernance ? Circulez, y a rien à voir.
Et maintenant, on fait quoi ?
Dont acte. La ville est en capacité de sauver une ligne du réseau VIF. Le Baromètre des Villes Cyclables 2025 arrive en mars prochain. Il reste une toute petite fenêtre pour Nogent-sur-Marne pour se doter d’un bilan à peu près favorable sur le vélo. Cette fenêtre est aujourd’hui bouchée par une seule et même personne. Le contraste avec ses homologues d’autres villes, Joinville, Charenton et Bry en tête, est saisissant. Là-bas, le vélo avance réellement avec un triptyque mêlant services compétents, associations et antennes MDB et des élus en conséquence bien conseillés.
Nous restons, comme nous l’avons toujours été, disponibles pour continuer de travailler avec les services de la ville et ses élus. Nous venons de solliciter un rendez-vous avec la mairie afin d’aborder le sujet du VIF et discuter des options possibles, sachant qu’il ne sera ici pas question de transiger sur la qualité des solutions choisies. Les piétons et cyclistes nogentaises et nogentais méritent mieux que ce qui a déjà été réalisé.